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Artisanat, social, création d'entreprise... Les choix hétéroclites des actifs qui se réorientent

Quand ils décident de se reconvertir, les actifs ont souvent mûri leur choix depuis longtemps.
Quand ils décident de se reconvertir, les actifs ont souvent mûri leur choix depuis longtemps. Adobe Stock

Une étude d'Initiative France montre que 30% des entrepreneurs que l'association a aidé en 2020 et 2021 sont en reconversion professionnelle.

La reconversion professionnelle, beaucoup y songent mais peu concrétisent ce «processus énergivore, qui requiert une bonne dose d'introspection», selon Cécile Garofoli, consultante en développement professionnel à l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). Au bout d'un cycle, 20% des actifs tentent leur chance, en quête de sens et de reconnaissance.

Volonté d'entreprendre

L'envie d'être son propre patron continue de faire rêver en France : en 2020, malgré la crise sanitaire, 850.000 entreprises ont été créées d'après Bpifrance (+4% sur un an). L'apanage des nouveaux entrants sur le marché du travail ? Loin de là. Une récente étude d'Initiative France* montre que 30% des entrepreneurs que l'association a accompagné en 2020 et 2021 sont en reconversion professionnelle. Parmi eux, 30% n'avaient aucune expérience dans le domaine choisi.

C'est le cas d'Ingrid et Marie, jeunes libraires pour enfants à Pessac, qui se sont rencontrées à l'Apec en mai 2019. «J'ai vécu de l'intérieur un PSE [plan de sauvegarde de l'emploi] épuisant. Je voulais changer de métier depuis plusieurs années et mijotais le projet de travailler avec des enfants. J'ai déménagé à Bordeaux avant de rencontrer mon associée. Tout est allé très vite», explique la première, ex-responsable des ressources humaines dans l'industrie de 43 ans. «Nous avons ouvert en février 2020, trois semaines avant le confinement. Cela aurait pu être pire car nous étions encore indemnisées par Pôle emploi dans le cadre de nos ruptures conventionnelles», rebondit l'ancienne gestionnaire en Ehpad de 44 ans Marie.

Ouvert à tous

Selon la consultante de l'Apec Cécile Garofoli, l'économie sociale et solidaire, l'agriculture biologique et l'artisanat sortent du lot en matière de reconversion professionnelle. «De 25 à 60 ans, peu importe le statut (salarié, indépendant, entrepreneur ou chômeur), tous les actifs ont le droit de se réorienter. Le conseil en évolution professionnelle est inscrit dans la loi, mais beaucoup l'ignorent», regrette-t-elle. Elle ajoute que le gouvernement a mis en place en novembre 2019 le dispositif démission pour reconversion, permettant d'être indemnisé pendant la formation. «Avec le Covid on s'est dit que les gens ne quitteraient pas leur emploi parce que le marché était incertain. Mais le dispositif ne cesse de monter en puissance. En région Nouvelle-Aquitaine Transitions Pro reçoit environ 300 dossiers par mois».

Le dispositif Projet de Transitions Pro, ancien Congé individuel de formation (CIF), qui assure le maintien de la rémunération le temps d'être formé, mesure la tendance. Au niveau national, ce sont 18.000 dossiers pour 500 millions d'euros d'engagement. En Île-de-France, les actifs se sont précipités vers le social et le sanitaire, le numérique et le transport en 2020.

«Flexibilité et contact humain»

La pandémie a sans doute suscité des vocations mais pour les actifs rencontrés, ce projet leur trottait déjà pour diverses raisons. Malade dans sa jeunesse, Nina a voulu rendre la pareille au corps médical. Et elle n'a pas attendu la fin de ses études de coiffure pour bifurquer. «C'était une évidence. Je voulais être utile et donner le meilleur de moi-même. Mais je ne suis pas dupe de la réalité du métier : les horaires, le salaire et la charge mentale, en partie due au manque de considération des autres soignants». Jennifer, elle, a sauté le pas après dix-neuf ans comme contrôleuse dans une entreprise de production à Tourcoing. «Je voulais être aide à domicile pour la flexibilité des horaires et le contact humain. Rencontrer des personnes qui ont besoin de moi me rend heureuse !», se réjouit-elle. Tout du long de ce processus «stressant», initié pendant le confinement, Pôle emploi a été un réel soutien. «Je regrette d'avoir attendu dix-neuf ans... Mon conseil, c'est de se lancer. Si on est motivé, tout roule».

Pôle emploi recense d'ailleurs le top 10 des entrées en formation. Du 1er janvier au 7 novembre 2021, les métiers plus populaires sont aide-soignant (15.000 requêtes), chariot-automoteur (13.000), auxiliaire de vie sociale (12.000), transport de marchandises (12.000) et conduite poids lourds (10.000). Mais ces chiffres sont à prendre avec des pincettes puisqu'ils regroupent toutes les entrées en formation, sans faire le distinguo entre formation initiale et réorientation professionnelle.

Chassé-croisé dans la restauration

Si il y a bien un domaine qui fait parler de lui depuis le début de la crise sanitaire, c'est celui de l'hôtellerie-restauration. D'après le panel Initiative France*, 40% des professionnels de la branche sont passés par la case reconversion. Parallèlement, des salariés désertent le secteur, qui peine à recruter (237.000 démissionnaires entre février 2020 et 2021). À l'instar de Clément, 42 ans : il a rendu son tablier il y a quelques mois pour devenir commercial. «Le Covid a été un déclic. Après un parcours semé d'embûches auprès de Pôle emploi, j'ai entamé mes propres recherches sur LinkedIn. On n'est jamais mieux servi que par soi-même ! J'ai privilégié un métier de contact. Pour l'instant, je gagne moins que dans la restauration où beaucoup d'heures ne sont pas déclarées. Le manque à gagner en chômage partiel, c'est aussi ce qui m'a poussé à lâcher la profession». Selon le syndicat FGTA-FO, ces démissionnaires lui ont préféré la grande distribution, dans laquelle la rémunération est «fortement majorée le dimanche», la boulangerie et la boucherie.

Antoine s'est lui aussi lancé dans l'aventure de l'artisanat... à 27 ans. Petits-fils d'un boucher, il compte bien perpétuer la tradition après un détour par l'évènementiel. «Nous sommes une vingtaine en reconversion dans ma promotion, âgés de 20 à 55 ans. La moyenne d'âge ? Une trentaine d'années. Du journalisme au conseil en passant par l'aéronautique, nous venons en majorité de 'métiers de bureau'». Bien sûr, cela nécessite un temps d'adaptation : «en un mois, je suis passé d'Outlook et Teams à une chambre froide un lundi à 6 heures du matin».

Si l'appréhension est commune aux différents profils, aucun ne regrette ce choix de vie. «La reconversion professionnelle est accessible à tous. Les gens ont peur et c'est normal. Mais la descente aux enfers, c'est de rester dans un boulot qui ne nous plaît plus», résume l'ancien serveur Clément.

*L'étude a été réalisée du 13 octobre au 8 novembre 2021 auprès de 1565 entrepreneurs suivis par Initiative France en 2020 et 2021.


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1 commentaire
  • Le jurassien

    le

    On les voit arriver dans nos petites villes. Ils viennent voir si l'herbe est meilleure de ce côté ci de la barrière.
    Pour beaucoup, ils constatent assez vite qu'ils se sont fait une image idyllique des zones rurales.

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