Sous pression, le gouvernement reporte le Parcoursup des masters
La plupart des présidents d'université assuraient être « prêts » à mettre en place, dès 2022, la nouvelle plateforme de gestion des affectations en master, inspirée de Parcoursup. Mais le gouvernement a décidé de son report, suivant en cela la demande des syndicats. Des concertations sont prévues début janvier sur le calendrier.
Le gouvernement a décidé de « refiler à son successeur la patate chaude » du Parcoursup des masters, comme le craignaient des présidents d'université. Il a décidé de suivre ceux qui, comme La Fage, le Sgen-CFDT et l'Unsa, réclamaient un report à 2023. Le ministère de l'Enseignement supérieur confirme aux « Echos » ce qu'a annoncé ce mercredi la Fage dans un tweet, à savoir que « la plateforme unique de candidature en master ne sera pas mise en place en 2022. »
Le ministère met en avant la nécessité d'une « étude de faisabilité juridique », alors que tout était « prêt » techniquement, selon les présidents d'université. L'entourage de Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, évoque le besoin « d'une réforme législative » et d'actes d'ordre réglementaire. Mais personne, au ministère, n'est en mesure d'en expliquer la nature.
La crainte de « remous invraisemblables »
En 2022, il n'y aura donc pas de Parcoursup des masters, mais simplement « un calendrier de candidature, de réponse des établissements et d'inscription des étudiants » qui « sera harmonisé de manière à avancer le calendrier et le rendre commun à tous les masters », indique-t-on au ministère. « Le Parcoursup des masters va provoquer des remous invraisemblables », prévenait, ces derniers jours, un syndicaliste, pour lequel mettre en place la nouvelle plateforme pour les étudiants qui entrent en master en septembre aurait été « une erreur ».
Le site actuel, « Trouver Mon Master », se limite à informer sur les formations. Frédérique Vidal avait annoncé, en juillet, vouloir « refondre » cette plateforme « sur le modèle de Parcoursup ». Pour la ministre, une plateforme unique devait être le moyen de « donner une vision sur l'ensemble des places en master », pour une réaffectation automatique des places au lieu d'un « processus manuel ».
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Chaque master a aujourd'hui ses propres dates de dépôt des dossiers, qui s'étalent de mars à juillet. Un calendrier bien trop tardif, selon le député Modem Philippe Berta. Coauteur d'un rapport remis à la ministre, il déplorait récemment que « des étudiants se retrouvent sans aucune affectation début juillet, au moment où les établissements ferment » pour la pause estivale. Il plaidait pour « l'harmonisation » des dates de dépôt des dossiers.
Des « concertations » début janvier
C'est cette idée que le ministère avait présentée aux syndicats fin novembre. En forçant les étudiants à faire leur choix plus tôt, le gouvernement espérait libérer des places et diviser par trois le nombre de recours d'étudiants sans master. Le document remis aux syndicats, que « Les Echos » ont pu consulter, prévoyait un dépôt des dossiers en mars, et la fin de l'examen des candidatures mi-juin.
Après avoir acté le report de la réforme, le ministère ne précise pas quel sera ce calendrier. Il renvoie à « une phase de concertations », « début janvier », pour « définir les éléments qui peuvent être améliorés dès cette année », à savoir « l'information sur le nombre de candidatures en fonction de la capacité d'accueil, le dépôt de dossiers et le meilleur affichage des attendus ». L'idée est d'aboutir à « un fonctionnement optimal à la rentrée 2023 ». L'harmonisation des calendriers annoncée par le ministère suppose d'informer les étudiants rapidement, prévient La Fage.
Huit organisations étudiantes, dont l'Unef, avaient fait part de leur opposition à la nouvelle plateforme. Elles souhaitent aussi « la fin de la sélection » à l'entrée en master, instaurée sous le quinquennat Hollande . « La plateforme va instaurer une sélection plus drastique », estime la présidente de l'Unef, Mélanie Luce, qui appelle plutôt à créer des places .
Davantage de voeux
La Fage réclame également la création de places, tout en étant favorable à la plateforme. Elle s'inquiétait, la semaine dernière, du nombre de voeux autorisé. La Fage en voudrait « plusieurs dizaines », là où le ministère pourrait n'en autoriser qu'une dizaine.
Des universitaires, réunis dans l'association Qualité de la science française, ont aussi pointé le risque de « la multiplication des candidatures » avec la politique du guichet unique. Craignant d'être « contraints d'abandonner l'examen individuel des candidatures au profit d'un algorithme ».
« Inconcevable de reculer »
« On continue de dire que c'était faisable et qu'il fallait le faire », réagit le président de l'université CY de Cergy, François Germinet. « Il serait assez inconcevable de reculer alors que le dispositif prévu permettra une nette amélioration de la gestion des places dans l'intérêt des étudiants », plaidait la semaine dernière Guillaume Gellé, le numéro deux de la Conférence des présidents d'université.
« Il restera des tensions en psychologie et en droit, mais au moins on pourra remplir toutes les places vacantes », espérait aussi la présidente de l'université Paul Valéry Montpellier 3, Anne Fraïsse.
« Le ministère a voulu éviter de mettre le feu » en pleine année électorale , décrypte un observateur. D'où l'étalement annoncé sur 2022 et 2023.
Marie-Christine Corbier