La COP26 venait juste de s’achever à Glasgow, en Ecosse, en novembre 2021. Thomas (il ne souhaite pas donner son nom), 16 ans, élève en terminale dans un lycée de Seine-Saint-Denis, rentre chez lui. Il a en tête tous les devoirs à rendre et les prévisions de contrôle. La semaine s’annonce chargée. Mais la tentation est trop forte de voir le résultat de ces deux semaines de négociations marathoniennes pour lutter contre le réchauffement climatique. « Quand je lis le pacte de Glasgow pour le climat, je comprends que ça ne suffira pas, et je me désespère. Je me sens à nouveau tomber dans le gouffre de l’écoanxiété », confie le jeune homme.
Voilà presque deux ans que ce bon élève s’est autodiagnostiqué « écoanxieux », un mot inventé pour désigner une réalité nouvelle : la crainte ressentie face aux effets anticipés du dérèglement climatique. Cette angoisse, il l’a ressentie pour la première fois à l’âge de 14 ans. En 2018 et 2019, la crise environnementale fait irruption dans son monde : marches pour le climat, grèves scolaires et actions de désobéissance civile rythment une année de catastrophes climatiques. Thomas s’informe sur les réseaux sociaux, Instagram notamment, et sur les forums du service de messagerie instantanée Discord consacrés au sujet.
Très vite, pourtant, cela ne lui suffit plus : à 15 ans, il lit les « résumés pour décideurs » des derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et dévore les articles de BonPote, un site d’information créé en 2018 par Thomas Wagner, ancien conseiller en finance devenu vulgarisateur scientifique. « C’est à ce moment-là que j’ai ressenti une forme d’inquiétude plus forte liée à l’ampleur du problème et aux innombrables difficultés à empêcher ce réchauffement », déroule le lycéen au téléphone, entre deux heures de cours.
Combien sont-ils, comme Thomas, à être traversés par cette inquiétude ressentie face aux menaces présentes et futures ? Tout porte à croire qu’ils sont de plus en plus nombreux, même si l’expression et les manifestations de ce sentiment sont très variables. En septembre 2021, une vaste étude parue dans la revue The Lancet Planetary Health révélait que 45 % des jeunes sondés étaient affectés par l’écoanxiété dans leur vie quotidienne. L’étude, qui a été conduite par des chercheurs d’universités américaines, britanniques et finlandaise en 2021, auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans dans dix pays (Australie, Brésil, Etats-Unis, Finlande, France, Inde, Nigeria, Philippines, Portugal et Royaume-Uni), dévoile une réalité sombre : 75 % des jeunes interrogés jugent le futur « effrayant », 56 % estiment que « l’humanité est condamnée », et 55 % qu’ils auront moins d’opportunités que leurs parents.
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