C’était l’une des grandes fermes laitières de Bretagne. 210 hectares, 140 vaches et 1,4 million de litres de lait par an. Basé à Broons, dans les Côtes-d’Armor, le Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) de Biterne n’avait cessé de grossir depuis les années 60, à mesure que l’agriculture se faisait plus productiviste et que de nouveaux associés rejoignaient l’exploitation : les parents, puis leurs deux fils et une belle-fille. La famille avait investi dans une salle de traite moderne et la production était de qualité. Une bonne élève de la production laitière conventionnelle.
Mais en 2016, adieu veaux et vaches. A la surprise générale, le Gaec a vendu son troupeau. «Ça a fait un choc, tout le monde est tombé des nues», raconte Sébastien Picquet, l’un des frères, aujourd’hui seul sur l’exploitation, reconverti dans les céréales et, depuis peu, l’engraissement de génisses à viande. «On a été parmi les premiers en Bretagne à arrêter le lait. A l’époque, c’était un peu une honte, dit-il. Mais depuis, combien l’ont fait ?»
Le phénomène n’est pas chiffré, mais dans les campagnes bretonnes, on ne compte plus ces exemples d’éleveurs laitiers qui raccrochent prématurément. «On en connaît tous qui ont arrêté avant la retraite. Ça interpelle, parce que ça n’existait pas par le passé : on s’installait pour la vie, c’était un capital familial qui se transmettait de génération en génération», note Cécile Planchet, éleveuse laitièr