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Les infirmiers appelés à monter en compétence pour pallier la pénurie de médecins

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales estime qu'il vaut mieux renforcer le statut et le pouvoir des infirmiers de pratique avancée que de créer une nouvelle profession intermédiaire à mi-chemin entre l'infirmier et le médecin. Ils pourraient avoir une patientèle propre et prescrire certains soins.

Les infirmiers anesthésistes IADE pourraient devenir des infirmiers de pratique avancée spécialisés, selon l'Igas.
Les infirmiers anesthésistes IADE pourraient devenir des infirmiers de pratique avancée spécialisés, selon l'Igas. (Frederic DIDES/SIPA)

Par Solveig Godeluck

Publié le 5 janv. 2022 à 16:16

Former 5.000 infirmiers de pratique avancée (IPA) d'ici à 2024. C'était l'ambition affichée du gouvernement à l'été 2020, lors du « Ségur de la santé ». Hélas, ce ne sera pas avant 2026 au train actuel et il n'y en aura que 1.700 en juillet prochain. C'est ce que souligne l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport commandé par le ministre de la Santé Olivier Véran en mai et rendu public ce mercredi.

Cette mission fait suite aux débats parlementaires de l'automne 2020, lors du vote de la loi Rist , quand les députés de la majorité ont souhaité créer une « profession intermédiaire » de soignant à mi-chemin entre l'infirmier et le médecin. L'obsession des élus est de pallier la pénurie de médecins dans un pays où le désert médical progresse chaque année.

Des patients « confiés » par le médecin

Cependant, les rapporteurs expliquent qu'il ne servirait à rien de créer un nouveau métier : cette « profession intermédiaire » existe depuis 2018, ce sont les IPA.

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Hélas, les freins à l'essor de la pratique avancée sont multiples, soulignent-ils. Ces infirmiers peuvent intervenir auprès de malades chroniques stables, en cas de cancer, d'insuffisance rénale, de problème de santé mentale ou bien exercer dans un service d'urgence. Mais ils n'ont que des compétences réduites en matière de consultation et de diagnostic - ces deux mots ont été soigneusement évités dans les textes.

Ils n'ont pas non plus le droit de prescrire en première intention des produits de santé soumis à prescription obligatoire, et doivent se contenter de renouveler ou d'adapter les ordonnances . L'Igas propose de leur ouvrir « dès que possible » la primo-prescription d'une liste de produits de santé et de prestations, tels des séances de kiné, des transports, des arrêts de travail…

De plus, ils ne disposent pas d'une patientèle propre : les patients leur sont « confiés » par le médecin via un « protocole d'organisation ». Les rapporteurs recommandent de supprimer la mention du « patient confié » et d'ouvrir les consultations en direct.

Un modèle économique bancal

Au demeurant, on ne sait même pas combien d'IPA sont en exercice, car cette qualification qui a demandé deux années d'études supplémentaires (niveau master) n'est pas intégrée à tous les systèmes d'information en santé.

Le modèle économique n'est pas non plus attractif, pointe l'Igas : alors que l'Assurance-maladie avait prévu une structure de rémunération permettant d'atteindre 3.300 euros par mois pour les libéraux, avec 300 patients délégués, les IPA évoquent plutôt 1.000 euros. L'Inspection recommande d'augmenter le forfait de suivi (32,70 euros) et de créer une rémunération sur objectifs de santé publique. De leur côté, les médecins délégants devraient également bénéficier d'une revalorisation de certains forfaits lorsqu'ils font appel aux IPA.

Quant aux IPA à l'hôpital, c'est un « impensé statutaire et économique », attaque l'Igas, la plupart d'entre eux n'ayant pas été augmentés après avoir obtenu leur master. Elle préconise la création d'un régime indemnitaire spécifique pour mieux les valoriser.

Un accès direct dans les déserts médicaux

Le rapport invite à étendre les pratiques avancées car ces nouvelles compétences seront de plus en plus nécessaires. La densité médicale va continuer de diminuer malgré l'augmentation des effectifs d'étudiants et ne retrouvera pas son niveau actuel, déjà insuffisant, avant 2035.

Faut-il créer une nouvelle « profession » ? En tout cas, il faudra instituer deux métiers : les IPA praticiens et les IPA spécialisés. Les infirmiers anesthésistes (IADE), qui disposent déjà d'un grade master, deviendraient des IPA « spécialisés », ce qui suppose d'organiser la reconnaissance universitaire de leur diplôme.

En ville, les « praticiens » devraient pouvoir intervenir en premier recours sur les maladies bénignes, pour répondre à des difficultés d'accès aux soins. Pour l'Igas, cette mesure pourrait être appliquée sans délai dans les déserts médicaux identifiés par les agences régionales de santé. A plus long terme, l'ampleur des bouleversements à venir justifierait, selon elle, la tenue d'une « convention citoyenne » sur la refonte de l'organisation du système de santé et des professions.

Solveig Godeluck

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