Il y a comme une petite musique rassurante qu’on ne cesse de jouer depuis toujours : les enfants ont une formidable capacité d’adaptation. Commode, lorsqu’il faut encaisser ce que la majorité des adultes ne supporte pas. Par exemple : trois tests par semaine et le port du masque à l’extérieur. Gaspard a 8 ans. Il est en CE2 dans une école élémentaire du 5e arrondissement de Marseille. Il aimerait « demander au président si on pouvait ne plus jamais porter les masques. Ou sinon, juste pas dans la cour de récré. Mais, quand même, plus du tout, ce serait mieux. » Comme les autres petits écoliers français, Gaspard absorbe, depuis un peu moins de deux ans, l’empilement des règles sanitaires mises en place à l’école.
Et ils s’adaptent. Non sans pleurs ni sans peur, mais ils font ce qu’on leur dit, les petits. Malgré la fragilisation de leurs liens sociaux, un apprentissage perturbé, l’incertitude du lendemain, l’angoisse de la mort, les petits écoliers français sont forts. « C’est pas difficile, mais c’est dur », voilà le fondement de leur philosophie. Le 14 janvier, l’éducation nationale annonçait plus de 330 000 contaminations en une semaine chez les élèves, et 14 380 classes fermées. Un record depuis mars 2020. Après avoir tournicoté derrière l’écran ou assis à une table, face à nous, des élèves d’école primaire, âgés de 7 à 10 ans, ont accepté de répondre, à distance, à la question : « Comment ça va, toi ? » Dans leurs réponses sans filtre ni complainte, c’est moins l’insouciance qui s’exprime que la résistance inconsciente.
« Ça nous retire du temps pour jouer ensemble »
Arthur, 10 ans, se couche tous les soirs sans savoir si le lendemain matin il ira à l’école. « Quand maman reçoit le mail le soir à 22 heures, moi je dors déjà. » Quand il n’y a pas école, « des fois c’est un peu dur de faire les devoirs tout seul, parce que maman elle est là, mais elle travaille ». Et puis « des fois je m’ennuie beaucoup parce que je vois pas trop mes amis. Y en a, ça fait tellement longtemps que je les ai pas vus que j’arrive pas à compter. C’est pour ça que j’aime bien aller à l’école, pour rigoler un peu, parce qu’on rigole toujours avec mes copains. »
Quand il n’y a pas école et que les devoirs sont faits, il y a Mortelle Adèle, les livres, les gommettes, les jouets, la télé ou la sieste. Les chips à volonté, les crêpes avec maman. Les histoires que l’on se raconte en s’ennuyant ou les activités qu’on a la chance de pouvoir faire à côté. Cours de danse, de solfège, de gymnastique, de musique, de langues étrangères… Tous les enfants ne sont pas logés à la même enseigne.
Il vous reste 69.62% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.