Tribune. Les écrans sont venus s’interposer massivement entre les patients et les soignants, entre les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, les kinésithérapeutes, les brancardiers, les diététiciens, les assistantes sociales, les cadres de santé et les secrétaires, entre les personnels administratifs non soignants et les personnels soignants.
En revanche, le temps passé auprès des patients s’amenuise progressivement : moins d’écoute, un examen clinique réduit, moins d’attention envers leurs interrogations et leurs angoisses, moins de prise en compte du contexte culturel, social, familial et professionnel. En consultation, le temps d’écoute médicale sans interruption n’était déjà que de 23 secondes avant l’ère numérique ! A l’ère de la tarification à l’activité, les actes doivent s’enchaîner dans un temps et un nombre de lits restreints.
Le fonctionnement des hôpitaux de jour ou de semaine nécessite une programmation réglée comme une horloge suisse. Lorsque vous pénétrez dans l’univers hospitalier, la probabilité de rencontrer physiquement les soignants dans les chambres des patients est devenue largement inférieure à celle de les trouver en face d’écrans.
Un temps considérable pris sur les écrans
Ces derniers s’interposent entre les infirmiers, les aides-soignants et les médecins. Au lieu de faciliter la communication : ils l’ont détruite ! Les visites des médecins se font trop souvent sans les infirmiers, trop occupés à rentrer « les constantes », les administrations de médicaments, à tracer les poses et les ablations de cathéters veineux, à remplir des diagrammes de soins, à rédiger les transmissions dans le dossier informatique ; et sans les aides-soignants devant aussi remplir des plans de soins (distribution des repas, désinfection des chambres, aide à la marche…).
Autrefois les surveillants, les cadres de santé devenus « managers » sont désormais astreints à un temps de travail informatique considérable (planning, reporting…) qui, s’ajoutant aux réunions incessantes, les isole des équipes soignantes. Les yeux des soignants, médecins, internes et paramédicaux restent trop souvent rivés sur ces écrans. Omniprésents et omnipotents, les examens, les programmations, les brancardages et les histoires médicales s’y affichent pendant que les usagers attendent quant à eux une présence, un contact ou simplement un échange humain.
Les réunions pluridisciplinaires autour des dossiers informatiques des patients ont parfois remplacé les « visites du patron » qui avaient l’avantage de réunir physiquement les équipes médicales et paramédicales au chevet du patient, autour d’un objectif de soin commun. L’époque où l’on enregistrait, rangeait, classait, externalisait les pochettes cartonnées des patients dans d’immenses salles poussiéreuses, généralement éloignées des services, est heureusement révolue.
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