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« L’amélioration du concours d’agrégation ne passe pas par son édulcoration »

Dans une tribune au « Monde », les juristes Jean-François Cesaro et Pierre-Yves Gautier critiquent le projet, en provenance du ministère de l’enseignement supérieur, d’abandon de la « leçon de 24 heures » des épreuves de droit.

Publié le 17 janvier 2022 à 06h00, modifié le 17 janvier 2022 à 07h56 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. Il existe un mauvais génie français. Il est tel qu’il faut souhaiter qu’il ne s’intéresse pas à vous. Il prend sa source dans le centralisme qui a survécu à la Révolution, fondé sur la récusation du mérite, l’indifférence à l’effort, dès lors qu’il ne touche pas l’accès aux grands corps de la fonction publique, jalousement gardés en dépit des réformes essentiellement d’annonce.

Un projet d’arrêté en provenance du ministère de l’enseignement supérieur en constitue une inquiétante illustration. Il porte sur le concours d’agrégation pour le recrutement des professeurs des universités des disciplines juridiques, politiques et de gestion, très différent des autres types d’agrégations de l’enseignement. Celui-là même que [l’avocat et académicien] Jean-Denis Bredin, récemment disparu, et [l’ancien ministre de la justice] Robert Badinter réussirent avec panache.

Ce concours comporte quatre épreuves, dont une, particulièrement exigeante, qui fait la sidération, empreinte d’admiration, de la part des professeurs étrangers, à travers la planète : il s’agit de la fameuse « leçon de 24 heures ». Demain, si cet arrêté est adopté, elle disparaîtrait.

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Le principe de cette leçon est d’une stimulation exceptionnelle : le candidat tire un sujet qui impose la maîtrise de nombreuses disciplines, c’est le jeu même (exemples du dernier concours de droit privé : « la vérité », « les troubles », « le climat », « la vulnérabilité »). De sorte qu’il devra en sortir l’ampleur et la variété, et en dégager le fil conducteur. Cette épreuve est une ouverture de l’esprit, une évasion des spécialisations, autre mal de ce siècle, du moins lorsqu’elles manquent de mesure.

Entouré d’une équipe qu’il a choisie, le candidat dispose d’une journée et d’une nuit pour rédiger une leçon de 45 minutes qu’il présentera le lendemain au jury, comme s’il s’exprimait devant un amphithéâtre. Il pourra, s’il le souhaite, s’entourer de philosophes, d’historiens, de sociologues, d’économistes, car les questions du droit sont par essence celles de la cité.

Au petit matin, après une nuit de fiévreuses discussions, de construction d’un plan, de recherche d’une trame et d’écriture, le candidat sera seul pour porter sa leçon. Eloquence, résistance du cerveau et du corps, esprit de synthèse et rapidité intellectuelle sont ainsi mis à l’épreuve, car c’est bien ce qui attend le futur professeur, homme ou femme, durant sa carrière.

Le caractère collectif de l’épreuve est une singularité. Elle exige du candidat le sens du travail en commun. Ce sont des qualités que l’on attendra de lui, s’il est reçu : identifier les meilleurs collaborateurs dès leur recrutement, conduire des équipes de chargés de travaux dirigés, mener un groupe de recherche scientifique. Les participants ne sont pas en reste : on commence « petite main », puis corédacteur, c’est l’apprentissage par l’expérience, le cheminement, qui fait un agrégé du supérieur, ici, de droit.

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