C’est en habitué des lieux que Jean Castex est venu à Strasbourg, vendredi 28 janvier, inaugurer l’Institut national du service public (INSP). Car, de 2001 à 2005, le premier ministre a enseigné les finances publiques à l’Ecole nationale d’administration (ENA), l’établissement qui jusqu’à présent formait les hauts fonctionnaires.
Mais M. Castex, énarque lui-même, n’était pas nostalgique. Tant s’en faut. Dans son discours, il a rappelé sans ménagement ce qui justifie à ses yeux la réforme de la haute fonction publique que le président de la République a engagée en 2019, et dont la création de l’INSP est une étape symbolique. Ainsi, a-t-il dit, l’encadrement de l’Etat issu de l’ENA « reste insuffisamment représentatif de la nation française » : « Vingt pour cent des classes sociales les plus favorisées fournissent 70 % des cadres » publics.
Il a également fustigé l’accès direct aux grands corps (Conseil d’Etat, inspection générale des finances, Cour des comptes) à la sortie de l’ENA, que la réforme a supprimé. Les élèves sortant de l’INSP débuteront par le terrain. « Sur 90 postes de sortie, 37 étaient dans des corps d’inspection et de contrôle », a déploré le premier ministre, se demandant s’il est « judicieux qu’à 25 ans, on aille juger les autres avant d’avoir soi-même tenu le manche ».
« Ça rouscaille un peu »
Le chef du gouvernement a dénoncé le fait que 88 % des agents non cadres de l’Etat soient dans les territoires, quand 90 % des cadres travaillent à Paris. Il a parlé d’« un maquis de situations qui empêche la fluidité », déploré « l’absurdité » du régime indemnitaire, fustigé « un système inégalitaire » et des « chasses gardées », constatant qu’avec la réforme, « ça rouscaille un peu ».
M. Castex a évoqué son cas personnel. Sorti de l’ENA à la Cour des comptes, il a renoncé au prestige de cette affectation pour travailler dans les affaires sociales. « On a dit “le pauvre type, il est perdu pour la cause”… », a-t-il raconté, puis, en ralliant les rieurs : « Heureusement, je me suis refait la cerise depuis. » Il a également expliqué qu’il n’avait pu devenir secrétaire général aux affaires régionales dans une préfecture, car il n’avait « pas l’ancienneté requise » et ne venait pas du ministère de l’intérieur. « Ça confine à l’absurde », a lâché le premier ministre en annonçant « un vaste chantier de décloisonnement ».
Au passage, il a précisé que l’harmonisation des salaires par le haut dont bénéficieront les hauts fonctionnaires qui intégreront le nouveau corps des administrateurs de l’Etat débutera en février. Pour les cadres de l’éducation nationale, cela représentera une revalorisation annuelle de 5 513 euros, et pour ceux des affaires sociales, de 3 240 euros.
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