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Chief Impact Officer, Head of Impact… c'est quoi ce métier ?

En charge de mesurer l'impact positif et négatif de leur entreprise, les Chief Impact Officers ont le vent en poupe.

En mars 2021, le prince Harry a rejoint BetterUp, une start-up américaine dans la santé mentale, comme Chief Impact Officer.
En mars 2021, le prince Harry a rejoint BetterUp, une start-up américaine dans la santé mentale, comme Chief Impact Officer. (Evan Agostini/AP/SIPA)

Par Camille Wong

Publié le 17 janv. 2022 à 11:21Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

En 2021, deux coups de projecteurs sont venus faire entrer le Chief Impact Officer dans la lumière de manière plutôt spectaculaire. En mars, le prince Harry était recruté avec cette casquette par BetterUp, une start-up californienne. En décembre, c'est Kat Borlongan , l'ex-patronne de la French Tech, qui annonçait prendre un poste similaire chez Contentsquare, une licorne française.

Chief Impact Officer (aussi appelé Head of Impact, Chief of Impact…) ne serait-il pas tout simplement le nouveau nom du responsable RSE (responsabilité sociale des entreprises) version start-up nation ? « La grande différence avec les métiers traditionnels de la RSE, c'est qu'on leur demande aujourd'hui d'intégrer l'impact dans le business et la stratégie de l'entreprise », souligne Caroline Renoux, directrice de Birdeo, un cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers à impact positif.

Leur mission ? Mesurer d'abord l'impact positif et négatif de l'entreprise (respect de la biodiversité, limitation de l'empreinte carbone, égalité femmes-hommes, bonne gouvernance…) en intégrant à la fois les parties prenantes internes (salariés, cadres, actionnaires, représentants du personnel) et externes (clients, fournisseurs, institution…)

Ensuite, proposer des leviers d'action pour aller vers un modèle d'activités plus vertueux pour la planète et la société dans son ensemble, salariés compris. C'est pourquoi on l'appelle aussi « directeur de l'impact ou de l'engagement », selon les entreprises.

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Au Comex

Chez OpenClassrooms, un site de formations en ligne de 460 salariés, la réduction de l'empreinte carbone de l'entreprise est corrélée au bonus des managers. Et c'est Audrey Yvert, fraîchement recrutée, qui pilote le tout. « Mon rôle est de réaliser tous les bilans carbone de l'entreprise depuis ses débuts, mais aussi de mettre en place un système de reporting ou encore de définir des objectifs de réduction de nos émissions », liste-t-elle.

La RSE s'impose ainsi dans les instances de décision des entreprises. Selon un baromètre de Vendredi, une start-up qui propose une plateforme d'« engagement citoyen » à destination des entreprises et de leurs salariés, la RSE est désormais rattachée au comex dans 65 % des cas.

Ces dernières années, la pression est montée d'un cran : les investisseurs recherchent des entreprises engagées, les consommateurs ont de plus en plus les yeux rivés sur les produits et services « responsables », les jeunes diplômés partent en quête de sens et, avec leurs nouvelles exigences, font trembler RH et managers, par ailleurs confrontés à une pénurie croissante de talents. Sans oublier les salariés, de plus en plus prompts à bousculer leur entreprise de l'intérieur .

« Exemplaires en interne »

Chez Vendredi, par exemple, on a plutôt fait les choses « dans le sens inverse », sourit Martin Silvestre, Head of Impact de la jeune pousse. « Le coeur de notre business est déjà à impact positif. C'est après qu'on s'est demandé, nous, les salariés, avec les fondateurs : 'comment être nous-mêmes exemplaires en interne ?' », complète-t-il. En somme, « faites ce que je dis ET ce que je fais ».

Il coordonne le « pôle impact » de l'entreprise et copilote la politique RSE en interne, avec le concours de plusieurs salariés, qui, en plus de leur poste, agissent sur différents leviers : mixité, diversité, handicap, environnement, etc. Ce travail a abouti à quelques surprises : « Nous avons une empreinte carbone faible, d'environ une tonne par salarié par an. Mais sur l'index égalité femmes-hommes, nous avons clairement des axes d'amélioration », souligne-t-il.

Au cours de sa carrière, Audrey Yvert, d'OpenClassrooms a fait des sujets d'inclusion et de diversité sa spécialité. Sur les questions environnementales et notamment de carbone, elle a dû se former. La percée des labels comme B Corp pousse notamment les entreprises à prendre le sujet à bras-le-corps. « L'objectif est d'être dans le top des B Corp, d'être un peu les premiers de la classe », note la professionnelle, qui va piloter la nouvelle certification d'OpenClassrooms, notée 101/200 en 2021.

Dynamique depuis 2016

Caroline Renoux, la recruteuse, observe une « vraie dynamique » autour de ces métiers ces dernières années. L'Accord de Paris sur le climat, fin 2016, et la loi Pacte, en 2019, qui impose que l'objet social des entreprises intègre la considération des enjeux sociaux et environnementaux, ont fait bouger les lignes.

Ce sont surtout les grandes entreprises qui ont donné le ton et investissent le plus de moyens avec des équipes dédiées. Certaines ont en effet des obligations légales : les entreprises cotées, celles de plus de 500 employés, et celles générant plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires doivent fournir un « reporting extrafinancier » annuel. Selon le baromètre de Vendredi, 80 % des grands groupes et plus de la moitié des ETI sont « actifs » ou « très actifs » sur tous les sujets RSE, contre un tiers des PME et TPE.

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Dans les petites structures, en revanche, il n'est pas rare qu'un responsable impact porte plusieurs casquettes. Chez Chemins d'avenirs, une structure dédiée à l'accompagnement des jeunes issus des zones rurales, Claire Barberis-Giletti est responsable impact et développement. Autrement dit, elle se charge aussi de lever des fonds pour l'association et de créer des partenariats financiers.

La mesure d'impact positif à destination des jeunes accompagnés est d'ailleurs un argument de poids pour le développement de l'association. « Depuis la création de l'association, nous avons mis en place une mesure d'impact auprès de nos bénéficiaires afin d'évaluer l'effet transformateur de nos programmes. Concrètement, je crée des questionnaires d'impact, que j'analyse et que nous faisons évoluer au fil du temps pour répondre au mieux à leurs besoins », explique-t-elle.

Analyse, réseau, courage

Un métier en vogue… qui peine à recruter. Les écoles intègrent peu à peu les sujets sociaux et environnementaux au sein de leurs programmes, mais les profils un peu seniors manquent à l'appel, note la recruteuse. Les profils recherchés doivent, en plus d'une connaissance fine du sujet, avoir une forte capacité à convaincre, à rassembler et à créer du réseau. « Du courage également, car il y a parfois des messages difficiles à faire passer à la direction et qui peuvent entrer en contradiction avec la logique productiviste d'une entreprise », poursuit-elle.

Il faut aussi un esprit analytique, qui sait compter chiffres et traiter les statistiques. Sans oublier la conviction personnelle. « Difficile de convaincre les autres quand vous avez l'impression de ne pas être alignée », estime Audrey Yvert. Autant de compétences qui justifient une rémunération comprise entre 80.000 et 110.000 euros bruts annuels, selon la recruteuse.

Toute mode appelle aussi son lot de « washing », met en garde Caroline Renoux. Et de conseiller : « Avant de postuler, pensez à vérifier que l'entreprise ne fait pas de greenwashing - elles sont de plus en plus nombreuses -, sinon vous risquez de vous retrouver à un poste sans possibilité d'agir. »

Camille Wong

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