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Plagiat, vol, appropriation de thèses... quand les encadrants s’emparent du travail des jeunes chercheurs

Dans le monde concurrentiel de la recherche académique, les travaux des doctorants ou des chercheurs en début de carrière sont parfois usurpés par des supérieurs. Un thésard sur cinq a déjà été confronté à cette situation.

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Publié le 25 janvier 2022 à 01h17, modifié le 25 janvier 2022 à 21h15

Temps de Lecture 6 min.

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S’approprier le travail des jeunes chercheurs, une pratique répandue dans le milieu universitaire.

Quand Pauline (le prénom a été changé) a dénoncé le vol de son travail de doctorante, beaucoup dans son laboratoire lui ont fait comprendre que cela faisait partie du jeu. « Les plus gros mangent les petits, c’est comme ça », lui a même répondu un professeur. Elle mène à l’époque un projet de recherche sur le fonctionnement démocratique, selon une méthodologie précise : mesurer les conséquences d’une grosse révélation médiatique sur une population. « C’était notre idée-phare, avec le collègue doctorant avec qui je travaillais, et elle marchait bien. » Ils exposent à plusieurs reprises cet angle en interne. Après une présentation, le directeur du laboratoire lui demande d’envoyer ses « slides » et ses données, et la recontacte même pour obtenir des précisions.

« Naïvement, je me disais qu’il faisait ça pour nous aider », raconte-t-elle. Mais, plus tard, la thésarde découvre, estomaquée, que celui-ci prépare un article reprenant une partie de leur travail. « Toute la méthodologie avait été reprise, ainsi que des copier-coller d’éléments envoyés par e-mail, pas encore publiés. » Leurs directeurs de thèse montent au créneau, prudemment, et parviennent à faire ajouter le nom des deux doctorants dans une mention en bas de page de l’article. « Mais celui-ci a été publié dans une revue faisant partie du top 5, donc il nous est maintenant impossible de publier le nôtre. Nous ne sommes plus innovants sur notre sujet », regrette Pauline, qui a quitté la recherche après sa thèse, éprouvée par ces agissements.

S’approprier le travail des jeunes chercheurs : la pratique est répandue dans le milieu universitaire. Selon une enquête parue en janvier dans l’ouvrage Comment l’université broie les jeunes chercheurs (Autrement, 336 pages, 19,90 euros) et menée en ligne auprès de 1 800 doctorants et jeunes docteurs, 21 % des répondants disent avoir vu une tierce personne s’attribuer le fruit de leurs travaux. Souvent un encadrant, comme le note Colin Lemée, président de l’association Doctopus. « Quand la relation est problématique avec le directeur de thèse, le vol de travaux revient souvent dans les témoignages : des brouillons qui sont récupérés et publiés sans leur nom, une partie de la thèse qui est reprise… », observe ce docteur en psychologie, qui n’y a pas échappé durant son doctorat.

« Hyperconcurrence »

Ces abus découlent en partie, selon Khouloud, jeune docteure en chimie, de l’« hyperconcurrence » due au manque de postes chronique à l’université. Et de la nécessité pour les encadrants de s’assurer que chacun de leurs doctorants ait des résultats à présenter, quitte à piller ceux d’autres jeunes chercheurs. Durant sa thèse, son directeur et deux de ses doctorants ont ainsi pris dans ses dossiers une partie de ses données, un jour où elle était en formation. « Ils en ont fait un poster, une affiche présentant des résultats pour une conférence, sans me citer ni me prévenir », raconte l’ex-doctorante étrangère, qui, dans les mois qui ont suivi, s’est vu subtiliser plusieurs échantillons qu’elle avait préparés pour une analyse. Un an après le début de son doctorat, elle a demandé à changer de direction de thèse et a dû commencer un nouveau projet.

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