En pleine pandémie, dans la précipitation, plusieurs universités ont bouleversé certains de leurs masters. Non pas pour former des bataillons d’étudiants destinés à enrayer les vagues épidémiques, mais plutôt pour leur apprendre à surfer sur la dernière vague technologique, l’information quantique. L’adjectif désigne la théorie élaborée dans l’entre-deux-guerres qui a amélioré la description « intime » de la matière et de la lumière, au point d’expliquer pourquoi le ciel est bleu, quelle est la température d’un four, ou quelles couleurs émet une flamme ou une étoile… Bref tout ce qui concerne le monde des atomes, des molécules ou des photons (les grains de lumière). C’est aussi la théorie qui a donné des applications aussi essentielles que les lasers, les transistors en semi-conducteurs des mémoires ou puces électroniques, les horloges atomiques qui battent la mesure des systèmes de géolocalisation…
Et ce n’est pas fini. Depuis quelques années des applications tirant profit d’autres propriétés décrites par la théorie quantique sont annoncées, promettant d’augmenter les capacités de calculs des ordinateurs, de garantir la sûreté des communications, d’améliorer la précision de capteurs de champs magnétiques (et donc diminuer le temps passé sous un appareil d’imagerie par résonance magnétique - IRM), ou de mouvement (permettant de se passer des satellites de géolocalisation).
Retard de la France
La précipitation des universités françaises s’explique : dans cette nouvelle révolution technologique la France est en retard par rapport à ses voisins européens pour offrir des parcours de formation. L’Australie, pionnière, s’est lancée il y a dix ans et estime avoir déjà éveillé au quantique environ 1 000 étudiants. « Evidemment, nous n’avons pas attendu pour tenir compte des progrès dans le domaine de la physique quantique dans nos cours, nuance Nicolas Treps, professeur à Sorbonne Université, créateur d’un nouveau master information quantique (IQ), à la rentrée 2021. Mais là, nous entrons dans un nouveau domaine qui demande au moins une double compétence, de physicien et d’informaticien », résume l’enseignant.
« Il faut qu’on forme les physiciens à être plus ingénieurs. Les ingénieurs à savoir plus de physique. Les informaticiens à s’éveiller à la quantique… », Virginia D’Auria, université Côte d’Azur
Tout l’enjeu pour les universités françaises est désormais de faire travailler ensemble les différentes disciplines universitaires pour poser « les bases » du quantique. « Pendant mes études, ces technologies quantiques étaient comme un rêve. On disait “peut être”. Maintenant il commence à y avoir du concret, et les gens ne font plus seulement de la recherche fondamentale, ils construisent véritablement des systèmes. Alors il faut qu’on forme les physiciens à être plus ingénieurs. Les ingénieurs à savoir plus de physique. Les informaticiens à s’éveiller à la quantique… », complète Virginia D’Auria, maîtresse de conférences à l’université Côte d’Azur, qui a introduit des disciplines « mineures » dans le parcours des masters de physique et informatique pour former des étudiants de divers horizons.
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