L’histoire de la teinture

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On estime que l’histoire de la teinture textile a débuté il y a 5 000 à 6 000 ans. Dès la Préhistoire, les humains teignent les fibres brutes à l’aide de colorants naturels (plantes, insectes ou mollusques).

Pendant plusieurs millénaires, les procédés ne connaissent aucune réelle amélioration. Les matières premières varient peu jusqu’à la découverte des premiers colorants synthétiques, au milieu du XIXe siècle. Dès lors, les progrès initiés au XVIIIe siècle dans le domaine de la chimie permettent de développer les procédés de teinture industrielle et d’ennoblissement textile actuels.

 

 

Premières traces de textiles colorés : période Néolithique

 

Dans chaque civilisation, l’être humain a sélectionné très tôt des substances d’origine naturelle capables de teinter les textiles.

Aux quatre coins du monde, de très anciennes traces de teinture ont été découvertes sur des fragments de vêtements en coton. Des fibres colorées ont été trouvées dans la vallée de l’Indus en Inde, au Mexique près d’Oaxaca (2 300 av. J.-C.) et au Nord du Pérou (3 100 av. J.-C.)

Au Soudan et en Égypte, les premières traces de tissu teinté à l’indigo remontent à 2 500 av. J.-C. À Huaca Prieta (Pérou), la présence d‘indigotine sur des cotonnades âgées de 6 000 ans a été mise en évidence par des chercheurs en 2016, témoignant d’une utilisation encore plus précoce de ce colorant en Amérique du Sud.

Il est extrait de la guède ou Pastel des teinturiers en Europe ((Isatis tinctoria, plante à fleurs jaunes) et de différentes variétés d’indigotier dans le reste du monde (Asie, Amérique du Sud, Inde). Ce « colorant de cuve » ancestral n’a pas besoin de mordant (fixateur permettant de créer une affinité entre le colorant et la fibre). Immédiatement après teinture, les tissus sont de couleur jaune pâle, le bleu indigo ne se révélant qu’après oxydation du colorant par exposition du textile à l’air.

 

 

 

Histoire, teinture et Antiquité

 

Durant l’Antiquité, c’est toujours dans la nature que l’on puise les colorants textiles.

Le Proche-Orient (ville de Tyr, actuel Liban) est un grand producteur de pourpre, un colorant rouge violacé découvert par les Phéniciens. Tirée d’un coquillage méditerranéen (le Murex), cette teinture solide mais complexe à produire est un produit de luxe que l’Égypte, la Perse, la Grèce Antique et l’Empire Romain réservent à l’élite. Cependant, au Ve siècle, la production de pourpre s’arrête suite à la raréfaction du mollusque.

En Provence et dans le Languedoc, on commence à produire du kermès, un colorant rouge vif extrait d’insectes vivant sur les chênes.

Le bleu, quant à lui, continue à être extrait du Pastel des teinturiers.

 

 

 

L’histoire de la teinture à l’époque médiévale

 

L’histoire de la teinture se poursuit durant le Moyen Âge, période qui voit le savoir-faire teinturier se développer en Europe, notamment en Italie, en France ou en Allemagne.

Les procédés de teinture sont encore mal maîtrisés, les couleurs obtenues souvent hasardeuses et/ou peu solides. Aux yeux de la société médiévale, la teinturerie apparaît comme un univers obscur, nauséabond et intrigant, comme la plupart des corps de métiers qui transforment la matière à l’époque.

Les artisans teinturiers sont malgré tout bien organisés et la profession est réglementée par les autorités, ce qui n’empêche pas les conflits avec les marchands drapiers et tisserands (qui n’ont officiellement pas le droit de teindre), au sein même de la corporation (entre « teinturiers de rouge » à la cuve et « teinturiers de bleu » au bouillon qui n’ont pas le droit de teindre dans les mêmes gammes de couleurs, entre maîtres teinturiers et ouvriers…) et avec tous les autres corps de métiers dont l’activité repose également sur l’utilisation des cours d’eau  (lavandiers, tanneurs, pêcheurs…)

Du Moyen Âge aux temps modernes, les colorants traditionnellement utilisés sont essentiellement issus de plantes tinctoriales et de ressources naturelles présentes en Occident : les rubiacées (racines de garance) et le kermès vermilio (cochenilles de Méditerranée) pour le rouge, le pastel pour le bleu, ainsi que des plantes telles que le genêt, la callune, le fustet, l’épine-vinette, le mûrier ou le réséda permettant d’obtenir du jaune et du vert (en association avec le bleu du pastel).

Tout au long du Moyen âge, la guède est cultivée en Espagne, en Allemagne, en Italie et en France, tout d’abord en Normandie et en Picardie, puis dans le Languedoc, qu’elle transforme en pays de cocagne pendant plusieurs siècles. L’indigo tiré du pastel s’exporte à travers toute l’Europe jusqu’au XVIe siècle.

L’indigotier (Indigofera tinctoria) est introduit tardivement en Europe. Au fil des échanges commerciaux avec l’Asie et le Moyen-Orient, de la découverte du Nouveau Monde et de la colonisation (Afrique et Caraïbes), ce colorant bleu de haute qualité produit à moindre coût finit par supplanter l’indigo européen. Au XVIe siècle, le colorant rouge kermès vermilio méditerranéen connaît le même sort face à son équivalent produit par la « cochenille du cactus » venue des Amériques…

 

 

 

La teinture en France à l’époque moderne (XVIIe et XVIIIe siècle)

 

Sous le règne de Louis XIV, les notions de couleurs « petit et faux teint » (teinture bas de gamme, peu résistante) et « grand teint » (teinture haut de gamme) sont officiellement réglementées par une ordonnance de Colbert appliquée aux professions de drapier et teinturier. Elles viennent s’ajouter aux normes strictes et complexes établies par la guilde des teinturiers elle-même. Ces normes segmentent la profession en deux branches au sein desquelles les artisans sont répertoriés d’après le type de fibre qu’ils teintent (soie, coton, lin, laine, chanvre…), les catégories de colorants et de couleurs qu’ils emploient…

Rapidement, les textiles grand teint se caractérisent par leur résistance (lavage, lumière, chlore) et assurent la renommée des étoffes françaises colorées, même à l’étranger.

Au milieu du XVIIIe siècle, le monde savant s’intéresse de plus près à l' »art chimique » de la teinture par l’intermédiaire de l’Académie des Sciences. Au fil des études menées, cette approche scientifique de la teinture conduit à une meilleure compréhension des procédés, l’objectif étant d’encourager les innovations et de fixer une réglementation claire au sein de la profession. Jean Hellot, inspecteur des teintureries, publie un ouvrage sur la teinture des fibres de laine, crée de nouveaux colorants bleus et améliore les procédés de la Manufacture de Vincennes.

À la fin du XVIIIe siècle apparaît l’utilisation des colorants d’origine minérale : brun de manganèse, orangé d’antimoine, bleu de Prusse… La chimie des colorants est à l’oeuvre. On les utilise désormais avec des mordants (sels métalliques) pour créer une combinaison chimique entre la fibre et la substance colorante, ou avec de faux mordants (huiles, caséine ou albumine) pour que le colorant se fixe mécaniquement sur les fibres.

 

 

 

L’accélération de l’histoire de la teinture aux XIXe et XXe siècles en Occident

 

1830 : L’industrie textile lyonnaise met au point la teinture en pièce.

1844 : Invention du mercerisage par John Mercer. Ce traitement des fibres de coton avec de la soude caustique rend les textiles plus solides et améliore leur compatibilité avec les teintures. Le procédé provoquant un rétrécissement du tissu, il ne rencontre pas le succès escompté.

1850 : Les sels de chrome sont employés comme mordant pour empêcher les étoffes de déteindre. Les premiers produits dérivés de la houille par pyrogénation (chaleur) sont utilisés pour fabriquer des colorants textiles.

1856 : Le chimiste William Henry Perkins découvre la mauvéine, le premier colorant industriel synthétique.

1869 : La garance est synthétisée.

1890 : Le chimiste Horace A. Lowe optimise le mercerisage en évitant le rétrécissement des étoffes en cours d’opération.

1897 : L’indigo est synthétisé.

1900 : Les USA commencent à appliquer le principe de teinture en continu. En Europe, les teinturiers restent fidèles à la teinture en semi-continu qui offre une plus grande liberté de fabrication.

1902 : Environ 700 colorants synthétiques sont disponibles sur le marché.

1920 : Invention des colorants dispersés, appliqués à haute température pour colorer les fibres artificielles ou synthétiques.

1950 : Les premiers colorants dérivés de l’industrie pétrochimique apparaissent.

 

 

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Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.