Métiers qui recrutent en 2022 : comment la cuisine se réinvente pour attirer les talents

Beaucoup d’employés se sont reconvertis depuis la crise du Covid-19 et la profession doit évoluer afin d’attirer une nouvelle génération. Dans la région lyonnaise, le secteur espère notamment séduire en améliorant les conditions de travail.

Dans les cuisines de l’Auberge du Pont de Collonges, à côté de Lyon, la direction veut limiter les coupures entre les services. LP/Justin Boche
Dans les cuisines de l’Auberge du Pont de Collonges, à côté de Lyon, la direction veut limiter les coupures entre les services. LP/Justin Boche

    Notre dossier spécial « Qui recrute en 2022 »

    Dans les cuisines de l’Auberge du Pont de Collonges, appartenant au groupe Bocuse, à côté de Lyon (Rhône), depuis deux ans, les masques chirurgicaux accompagnent les traditionnelles toques. En salle, le sourire des serveurs s’avance lui aussi masqué. Depuis 2020, le Covid a profondément bousculé le monde de l’hôtellerie-restauration, dans cette région réputée pour sa gastronomie comme partout en France. Les périodes de confinements et les chômages forcés ont fait perdre bon nombre de ses candidats au secteur. Entre avril et septembre 2021, près de 6 établissements sur 10 ont cherché à recruter dans l’Hexagone. Parmi eux, 70 % ont déclaré avoir rencontré des difficultés à trouver des candidats.

    « La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer les problèmes de métiers déjà en difficulté avant le Covid », explique Marie-Claude Frossard, directrice territoriale Pôle emploi en Haute-Savoie. Faute de visibilité sur leur avenir professionnel, beaucoup de salariés de la restauration se sont aperçus qu’ils pouvaient avoir des salaires équivalents ou plus élevés ailleurs. Et ce avec de meilleures conditions de travail. Fin janvier, la profession a finalement réagi et conclu un accord avec les syndicats. Il prévoit une rémunération minimum supérieure de 5 % au smic et une augmentation moyenne de 16,33 % de l’ensemble de la grille des salaires.

    Crise de foi

    Mécaniquement, le manque de main-d’œuvre dans l’hôtellerie-restauration a rééquilibré un rapport de force salarial au profit des employés. « Pour les personnes très qualifiées, celui-ci s’est même inversé. Et les autres ont plus d’opportunités qu’avant », assure Marie-Claude Frossard. Mais la période Covid a également provoqué une crise de sens. « Quand 55 % des restaurants en France ne proposent pas de fait-maison, affichent des bas salaires avec des horaires compliqués, comment donner envie aux gens de travailler ? » interroge Régis Marcon, dont le restaurant, triplement étoilé, est installé à Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire. Chez lui, les employés bénéficient de logements et de trois jours de congé par semaine.



    « Lors des entretiens, les premières questions portent sur les conditions de travail, les jours de congé et non le salaire », abonde Vincent Leroux, directeur général de l’Auberge du Pont de Collonges. Lui aussi a fait évoluer les conditions de travail : « En plus d’être agressif sur les salaires, le restaurant ferme désormais les lundis et mardis et l’on essaie de faire plus de travail en continu pour éviter la coupure midi-soir. »

    Nouvelle génération

    Chez Bocuse, où la notoriété du groupe facilite le recrutement, on a vu les équipes changer. Les femmes, qui se comptaient autrefois sur les doigts d’une main, représentent désormais près de 40 % des effectifs. La maison a elle aussi décidé de « faire évoluer son œil sur le recrutement ». « Avant, on cherchait des parcours classiques : CAP, école hôtelière, etc. Désormais, on s’est ouverts à des gens au savoir-faire moins développé, mais au savoir-être bien plus important », détaille le directeur de chez Bocuse.

    « On perçoit ce changement de génération, ajoute le chef Marcon. Autrefois, la restauration, tu y entrais à 14 ans. Parfois par défaut. Désormais, on voit des jeunes de 23-24 ans arriver en alternance dans nos métiers après une reconversion. Ce sont eux qui font le plus évoluer le métier, parce qu’ils donnent un nouveau souffle en arrivant avec une vision différente. » Des jeunes plus exigeants sur la qualité de leur travail et de leurs conditions de vie qui, quand ils s’installent, n’hésitent plus à n’ouvrir que du lundi au vendredi pour conserver leurs week-ends.

    Les régions qui recrutent le plus dans l’hôtellerie-restauration

    1. Auvergne - Rhône-Alpes
    2. Île-de-France
    3. Nouvelle-Aquitaine

    Le Top 3 des entreprises qui embauchent

    1. Burger King
    2. Elior
    3. Sodexo

    Source : Adecco Analytics

    Ils embauchent

    Jean-François Feuillette, réseau boulangeries-pâtisseries Feuillette. « Notre laboratoire central s’agrandit à Blois avec 300 recrutements, dont 120 immédiatement. Nous cherchons 70 boulangers pour le Loir-et-Cher et tous nos points de vente. Le pain est fait sur place. Nous recrutons aussi pour la vente avec possibilité d’évolution vers du management et la franchise. Les salaires démarrent au SMIC sans CAP. Un cadre débute à 34 681 euros brut/an. »

    Jean-Philippe Nikoghossian, café Chez Jeanphi, Paris (IIIe). « J’ai deux postes en cuisine et deux en salle. Ici, quatre serveurs et trois cuisiniers préparent des falafels, des pains pita et le plat du jour, l’équipe a besoin de renfort. En salle, si la personne est motivée, speed, aime le contact, c’est CDI direct. En cuisine, avoir un CAP c’est mieux, mais pas indispensable. Possibilités d’évoluer manageur. »

    Waloszek Ludovic, franchisé des hôtels Accor à Beauvais et Compiègne (Oise). « À Beauvais, j’ai trois postes à pourvoir, deux au Mercure, un sur l’Ibis style. À Compiègne, j’ai un poste en cuisine et un en salle qui sont disponibles. Il y a peu de candidats malgré une politique de salaires plus attractifs. On est présent dans les lycées hôteliers pour essayer de recruter à la base. »

    Christopher Coutanceau, restaurateur à La Rochelle (Charente-Maritime). « Pour nos salariés, nous avons humanisé le métier. Nous fermons tous les dimanches et lundis pour avoir deux jours à suivre et une vie de famille. Nous proposons aussi sept semaines de congés payés. Nous avons besoin de seconds de cuisine et de chefs de partie avec une dizaine d’années d’expérience. Les salaires varient selon les grades. »

    Lionel Bravard, directeur de l’Hôtellerie du Bas Bréau à Barbizon (Seine-et-Marne). « Je recrute en CDI deux femmes de chambre, un chef de rang et un chef de partie. Les salaires sont de 2 500 euros bruts pour un chef de partie, 1 800 euros pour une femme de chambre, plus l’intéressement. Le tout pour 35 heures avec des heures supplémentaires entre 36 et 43 heures. Le lieu est chic et décontracté. »