« Madame, pourriez-vous faire un effort sur votre orthographe s’il vous plaît ? »… Joséphine Arnault s’énerve lorsqu’elle raconte cette « énième » remarque d’un de ses enseignants de la faculté Arts du spectacle de l’université Montpellier-III : « Mince, c’est l’histoire de ma vie, et celle de tous les “dys”, de faire cet “effort”-là au quotidien, explique l’étudiante de 22 ans en deuxième année de licence. Notre handicap, invisible, est encore trop souvent méconnu par les enseignants. » « Dys » comme « dyslexique » et « dysorthographique » en ce qui la concerne. Autrement dit : « une difficulté et des lenteurs pour lire et écrire, décrypter et rédiger rapidement et de manière automatisée, sans erreurs, les mots, les phrases », décrypte-t-elle avec le détachement de ceux qui sont habitués à expliquer inlassablement les mêmes choses. Ce trouble cognitif est particulièrement pénalisant dans un enseignement supérieur où l’on s’agace régulièrement des étudiants « fâchés » avec l’orthographe, sur fond de petite musique autour de la « baisse du niveau ».
L’université compte aujourd’hui quelque 40 000 étudiants en situation de handicap et, parmi eux, 25 % en moyenne souffrent de troubles dits « du langage et de la parole »
Joséphine fait partie de cette génération d’élèves ayant grandi en même temps que l’école « inclusive » et le droit à la scolarité en milieu ordinaire pour les jeunes en situation de handicap, arrêté par la loi du 11 février 2005. Celle-ci a aussi incité au diagnostic des jeunes souffrant de troubles « dys ». Et, depuis une poignée d’années, ceux ayant réussi à dépasser leurs difficultés dans l’enseignement secondaire débarquent dans le supérieur. L’université compte aujourd’hui quelque 40 000 étudiants en situation de handicap (environ 2 % des effectifs), contre un peu plus de 10 000 en 2010 et, parmi eux, 25 % en moyenne souffrent de troubles dits « du langage et de la parole », selon les chiffres du ministère. Toutes les formations interrogées évoquent une accélération du nombre d’étudiants « dys » accueillis depuis cinq ans.
Depuis qu’elle a été diagnostiquée au collège, Joséphine avait appris à « compenser » son trouble. Mais dans l’enseignement supérieur « tout va plus vite, les prises de note en amphi, les lectures d’ouvrages… Je me fatigue rapidement, raconte l’étudiante, et au bout d’une heure de cours je bloquais récemment sur l’écriture d’un mot aussi simple que l’article “une” »… Alors la jeune femme, qui est aussi vice-présidente étudiante de son université, s’applique à faire valoir les aménagements de « compensation » auxquels elle a droit dans le cadre de sa scolarité, comme elle l’a fait avant au lycée et au collège.
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