Pour un peu, on se croirait dans le monde d’avant – avant le Covid-19, avant les masques, les tests et tutti quanti. A Saint-Etienne, en ce soir de la fin janvier, une foule mélangée et joyeuse se presse sous la haute nef de la superbe cathédrale industrielle qui abrite La Comédie, le centre dramatique national de la ville. La grande salle de près de 700 places est quasiment remplie, et pas seulement par des collégiens chahuteurs mais par un public de tous âges. « Ce n’est pas beau, franchement ? », s’exclame tout sourire Julien Devillers, le responsable du développement des publics de la maison.
Il est vrai que La Comédie propose ce soir-là une pièce de la star du moment : Molière, dont on célèbre les 400 ans de la naissance. Benoît Lambert, le patron de la maison, signe une belle mise en scène de L’Avare, qui a bénéficié d’emblée d’un excellent bouche-à-oreille. « Mais on affiche complet également sur des propositions plus inattendues et contemporaines, comme Carte noire nommée désir, de Rébecca Chaillon », tient à préciser le directeur de La Comédie. Le taux de fréquentation du théâtre, depuis sa réouverture en octobre 2021, a tout de même baissé par rapport à ce qu’il était avant le Covid-19 mais pas de manière vertigineuse, puisqu’il est de 70 %, là où il tournait autour de 85 % avant la crise.
A Saint-Etienne, le maître mot, c’est « résilience », au bout de deux ans de crise sanitaire qui ont essoré le secteur culturel. Dans cette ville qui a été pionnière en matière de décentralisation théâtrale, avec la création, en 1947, d’un des deux premiers CDN de France (avec celui de Colmar), « le théâtre occupe une place singulière dans l’imaginaire. Il est un motif de fierté, y compris pour ceux qui n’y viennent pas. Il est très soutenu par les politiques, à commencer par le maire de la ville. Et il est fréquenté par un public local, qui lui est extrêmement attaché et fidèle », observe Benoît Lambert.
« Marge artistique » affectée
La maison a tenu le coup, au fil des confinements, déconfinements, reconfinements et autres couvre-feux. Elle fonctionne avec un budget annuel d’un peu moins de 5 millions d’euros, « dans lesquels la billetterie rentre pour moins de 10 % », le reste étant assuré par les subventions de l’Etat et des collectivités territoriales, informe Johan Delbegue, l’administrateur du théâtre. « On s’en est sortis grâce au chômage partiel et aux exonérations de charges sociales, qui nous ont évité le désastre, mais le manque au niveau de la billetterie est quand même significatif. Il affecte notamment ce que l’on appelle la « marge artistique », celle qu’on peut investir dans la création », précise-t-il.
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