« C’est thérapeutique, une salle comme ça… » : voix de crooner et sourire d’ange, Timothée Régnier, alias Rover – 1,91 m pour plus de 100 kg –, lève les bras pour embrasser, d’un geste, le public venu l’écouter au Théâtre Chanzy, à Angers. Salve d’applaudissements. Quatre cents personnes acquises, pour un concert isolé dans le désert des annulations.
Faute, en ce début février, de pouvoir le faire jouer devant un auditoire debout, Le Chabada, la scène de musiques actuelles de la ville, a négocié avec la mairie ce théâtre municipal, en version assise. Le guitariste n’est pas bégueule : « Je savoure mon métier différemment. C’est comme du vin après une longue abstinence. Avec la rareté, le concert redevient événement, cela rend les rendez-vous précieux. »
Deux ans que le bonhomme est confiné. Plus, même. Six mois avant que le Covid ne déferle sur l’Europe, il a enterré ses instruments dans une cave atelier de 300 mètres carrés, dans les anciennes glacières de Saint-Gilles, à Bruxelles. Il y passera le confinement et y enregistrera, entièrement seul, son dernier album. « J’avais lancé une mode mondiale, blague-t-il en coulisses. La musique offre cette possibilité de solitude, le confinement m’a autorisé à aller plus loin encore. Il y avait quelque chose de puissant, entre ce lieu addictif – l’odeur, les sons – et la ville silencieuse et malmenée que je retrouvais en rentrant chez mon amie. C’est le genre de moment où on se dit : “A quoi sert un disque ? Pour qui le fait-on ? Y aura-t-il de nouveau des concerts, un jour ? Que va devenir ce métier, puisqu’on ne peut plus réunir les gens ?” »
Réseaux de solidarité
Angers, Maine-et-Loire. 150 000 habitants. Ville bourgeoise, autrefois berceau de la dynastie des Plantagenêts, industriellement pauvre, et réputée endormie. Ces défauts (et leur pendant, la tranquillité) lui ont redonné, à l’arrivée du TGV – qui la met à moins de deux heures de Paris –, une attractivité : elle est passée en tête du classement des « villes où il fait bon vivre » (décerné le 30 janvier par l’association du même nom).
Mélanie Alaitru, codirectrice du Chabada : « S’il y a un point positif dans tout ça, c’est l’obligation de créativité que le confinement a créée »
En d’autres temps, dans les années 1980, les jeunes du cru avaient, pour combattre l’ennui, choisi d’organiser des concerts, faisant de la ville une citadelle rock. D’abord dans les MJC et les bars. Jusqu’à ce que, en 1994, ces bandes de rockers s’unissent et obtiennent de la mairie l’ouverture d’un lieu, Le Chabada, dans d’anciens abattoirs, à l’extérieur de la ville.
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