« C’est vieux, mais c’est propre et on a tout ce qu’il faut. Les maisons de retraite où on paye des prix astronomiques, c’est pas mieux qu’ici. » Lucette Camescasse, cheveux blancs coupés court, rouge à lèvres discret, fêtera mi-février ses 99 ans dans l’Ehpad de Montfort-en-Chalosse, petite commune des Landes, où elle est née. Après avoir tenu le bistro du village, elle a fini par entrer à la maison de retraite des Cent Marches, où elle a retrouvé des anciennes camarades d’école. « Ça reste un peu la famille », assure-t-elle.
Assise pour son dîner dans la salle à manger aux murs orange, elle vante le « personnel dévoué » et les efforts du cuisinier : « Pour Noël, nous avons eu du foie gras à quatre reprises, mais du vrai, pas du bloc. » Elle apprécie que l’établissement soit au cœur du village, « quand je vais au jardin, les anciens clients [de son bar] qui passent en voiture font un “tuuut” ». A l’unisson de nombreux Gascons, elle tient à saluer la mémoire d’« Henri Emmanuelli, un homme extraordinaire, sorti du peuple, qui a voulu que tout soit public ». Avant d’ajouter : « De toute façon, moi, je n’aurais pas pu aller dans le privé, c’était trop cher. »
Riche ou pauvre, « les mêmes conditions »
L’ancien président de l’Assemblée nationale, mort en 2017, s’est, en effet, toujours refusé à autoriser des Ehpad privés lucratifs dans le département des Landes, qu’il a présidé pendant plus de trois décennies. Un héritage désormais érigé en modèle par une partie de la classe politique, depuis que le scandale Orpea a mis en lumière les graves défaillances de certains Ehpad privés à but lucratif.
A l’exception d’un petit établissement de vingt-cinq places, les Landes ne comptent donc plus aujourd’hui que des maisons de retraite publiques ou privées non lucratives, toutes habilitées à l’aide sociale. Conséquence ? « Que vous soyez riche ou pauvre, vous vieillirez dans les mêmes conditions, indique Boris Vallaud, député (Parti socialiste, PS) des Landes. Ce sont des choix politiques. Les Landes sont un département socialiste, qui met la question sociale au cœur de ses pratiques. »
Aux Cent Marches, dans un territoire très rural où les petites retraites sont légion, 30 % des résidents bénéficient de l’aide sociale. « Ici, le tarif s’élève à 1 878 euros par mois pour l’hébergement, donc si un résident reçoit 1 000 euros de retraite, il manque 878 euros. On va regarder quelle part peut être payée par les enfants, et le département va payer le reste, explique le jeune directeur de l’Ehpad, Mathieu Henry. En contrepartie, le conseil départemental a un droit de regard sur nos tarifs et veille à ce qu’ils ne flambent pas. »
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