Au marché hebdomadaire de Saint-Paterne-Racan (Indre-et-Loire, 1 600 habitants), un commerce ambulant inhabituel a fait son apparition, début février. Les badauds n’y trouveront ni pommes, ni rillons, ni fromages de chèvre, les productions locales. Mais des livres. Pas des bouquins d’occasion ou déstockés, écoulés à la sauvette. Des vrais livres neufs, comme ceux que l’on vend en librairie. C’est d’ailleurs bel et bien une librairie qui les propose, au milieu des étals de légumes et de charcuterie. Logée à l’intérieur d’une roulotte en bois de 9 mètres carrés, La Tête dans les nuages – tel est son nom – a entamé il y a trois mois un tour de France des marchés ruraux. Son but : faire venir le livre là où il n’est pas toujours facile de s’en procurer. Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi…
Ex-employée d’une librairie de Metz et de la médiathèque de la ville, Laurie Fardoit a commencé à dessiner les contours de son projet il y a une dizaine d’années, « convaincue, dit-elle, que ce genre de vie où l’on change de lieu régulièrement, à la rencontre de gens différents, était fait pour [elle] ». Elle décide finalement d’emprunter de l’argent afin d’acquérir une roulotte et un véhicule utilitaire destiné à la tracter sur les routes départementales, rarement nationales – vitesse de croisière : 75 km/h. Un menuisier aménagera des coffres et des étagères à l’intérieur. De quoi stocker et exposer 1 200 références – des romans, des essais, des bandes dessinées et des albums jeunesse. Roulez jeunesse justement !
« Beaucoup de bonnes ondes »
Commencée autour de chez elle, en Lorraine où, pendant un an, elle a écumé des marchés éloignés des zones urbaines, son « aventure humaine et professionnelle » a mis le cap à l’ouest, en octobre 2021. La Côte-d’Or d’abord. La Touraine aujourd’hui, qu’elle quittera fin février. Suivront la Vendée, la Loire-Atlantique, la Bretagne, la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine… Le périple doit durer deux ans en tout, période pendant laquelle Laurie Fardoit, célibataire sans enfant, passera d’un logement à l’autre – principalement des meublés à bas prix et des chambres chez l’habitant. La jeune femme ne tire pas encore assez de revenus de son activité pour se verser un salaire : « Mais cela ne saurait tarder, assure-t-elle. Mon chiffre d’affaires [entre 2 000 et 3 000 euros par mois] ne cesse d’augmenter. »
Beaucoup de bienveillance, pour l’heure, la récompense au quotidien. Son projet ne conjugue-t-il pas deux fortes tendances révélées par la crise sanitaire : le boom de la lecture (et de la librairie) et la mode des boutiques itinérantes ? « Je sens beaucoup de bonnes ondes autour de moi, confie-t-elle. Le voyage et le livre font rêver les gens. » La libraire vagabonde ne se contente pas de prescriptions romanesques : elle propose également des lectures au pied de sa roulotte ou des ateliers d’écriture en milieu scolaire. Il lui est même arrivé, en Lorraine, d’organiser des signatures d’auteurs locaux au sein de l’habitacle étroit de sa boutique sur roues.
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