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Parcoursup : enquête sur les algorithmes qui décident de l’avenir de nos enfants

Il est loin le temps où les bacheliers faisaient la queue devant un secrétariat, leur dossier sous le bras, pour s’inscrire à la fac. La révolution numérique est passée par là. Pour affecter les futurs étudiants, on s’en remet désormais largement à des algorithmes, nationaux et locaux, regroupés sous un nom : Parcoursup. Mais comment fonctionne cette plateforme qui décide de leur orientation ?

  • Texte : Denis Peiron Illustration : Laurent Duvoux,

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Parcoursup : enquête sur les algorithmes qui décident de l’avenir de nos enfants
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Avec la plateforme Parcoursup, qui en 2017 a succédé au très décrié Admission post-bac (APB), bien des jeunes sont pris de vertige devant le nombre et la variété de cursus qui leur tendent les bras… Sur le papier en tout cas, ou plutôt sur l’écran. Car dans les faits, il ne suffit plus de décrocher le bac pour pouvoir s’inscrire dans la filière universitaire de son choix.

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Avec Parcoursup s’est ainsi diffusée une logique de classement qui concerne aussi les licences les plus prisées. Sur quels critères s’effectue cette sélection ? Voici, en dix points, des éléments de réponses susceptibles d’aider les candidats à formuler leurs vœux avant le 29 mars.

1. Plateforme ou algorithme ?

Les deux, mon capitaine ! Parcoursup est avant tout une plateforme numérique. Elle met en relation des candidatures et les responsables des formations visées, qui les examinent et les classent s’il y a plus de demandes que de places. « Ce classement s’effectue suivant l’adéquation entre les attendus du cursus et le profil des candidats », décrypte Jérôme Teillard, chargé de mission au ministère de l’enseignement supérieur. Parcoursup se présente ainsi comme un lieu où futurs bacheliers, étudiants en réorientation et personnes en reprise d’études déposent leurs vœux – une douzaine, en moyenne – et où ils reçoivent une réponse de chaque établissement concerné.

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« Mais Parcoursup est aussi un algorithme, un principe mathématique qui guide le traitement des informations », ajoute Catherine Moisan, membre du comité éthique de Parcoursup, instance indépendante qui veille au bon fonctionnement du dispositif. « La base algorithmique de Parcoursup est d’ailleurs la même que celles d’APB et des outils d’orientation similaires utilisés à l’étranger. On parle d’algorithme de mariage. Il s’agit de faire “matcher” les candidats avec les formations. Parcoursup, c’est le Meetic de l’enseignement supérieur ! »

Dirigé depuis Toulouse par une vingtaine de personnes, « le service mobilise en réalité plusieurs algorithmes », précise Hugo Gimbert, chargé de recherches au CNRS, embarqué dans l’aventure. L’un d’eux sert de base au moteur de recherche qui permet de trouver des formations avec des mots-clés. Un autre, qu’il a coécrit, vise à faire respecter les quotas de boursiers fixés par le recteur pour les formations sélectives publiques ou privées sous contrat. « Ces formations envoient leur classement sur la plateforme. Si le quota n’est pas respecté, l’algorithme fait remonter certains dossiers de boursiers avant l’envoi des réponses aux candidats », détaille l’informaticien.

2. Les dossiers sont-ils triés par une machine ?

Avant que Parcoursup n’applique un filtre aux classements pour faire respecter d’éventuels quotas de boursiers ou de candidatures hors secteur (1), les formations départagent les candidats suivant la méthode de leur choix. La commission d’examen des vœux d’un BTS moyennement attractif peut ainsi examiner manuellement tous les dossiers. Ce que ne peut faire celle d’une licence d’économie qui reçoit 5 000 candidatures.

« Il y a toujours une intervention humaine »

En ce cas, les formations recourent souvent à un outil numérique afin d’effectuer, a minima, un préclassement. Il peut s’agir d’un simple tableau Excel. Mais beaucoup – 30 %, selon Hugo Gimbert – utilisent « l’outil d’aide à la décision » proposé par le ministère. Un outil qu’elles paramètrent simplement pour qu’il applique leurs critères. « Il suffit d’indiquer les matières qui comptent le plus en y associant des coefficients, pour le contrôle continu et les épreuves de spécialité (2) », précise Nathalie Lemaréchal, responsable des BTS à l’institution Sainte-Marie, à Bourges (Cher). On parle alors d’« algorithme local ».

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La commission d’examen des vœux de chaque cursus apporte alors des ajustements au préclassement ainsi obtenu. « Il y a toujours une intervention humaine », assure Hugo Gimbert. « Y compris parce que certains candidats ont effectué leur scolarité à l’étranger ou veulent reprendre des études. » Il n’empêche, ce préclassement sert parfois de base pour les convocations à un oral. Et les responsables de certaines filières universitaires prisées concèdent que seuls les dossiers « tangents » – ni les bons ou très bons, acceptés d’office, ni les insuffisants, automatiquement écartés – font l’objet d’un examen qui peut leur faire gagner ou perdre des places. Ainsi, le classement final ne s’effectue jamais de manière entièrement automatisée. De même, insiste Jérôme Teillard, « il se fonde bien sur des critères définis par des personnes en chair et en os ». Mais un candidat peut se voir refusé ou relégué en fond de classement sans qu’aucun humain n’ait ouvert son dossier.

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Pas de quoi révolter Catherine Moisan. Pour départager les dossiers, l’ex-directrice du département de statistique de l’éducation nationale affirme même faire davantage confiance à une machine à laquelle on soumet des critères quantitatifs. « Il suffit qu’un membre de la commission d’examen des vœux soit de mauvaise humeur pour que le classement en soit affecté », fait-elle valoir.

3. Parcoursup prend-il en compte le choix des spécialités au lycée ?

Cela dépend des formations. « À Sciences Po Lille, ce qui nous intéresse, c’est accueillir des élèves curieux, d’un bon niveau », indique son directeur Pierre Mathiot, dont le rapport a inspiré la réforme du lycée et du bac. « Pas question de pénaliser des candidats pour des choix de spécialité effectués en fin de seconde », assume-t-il.

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Dans son établissement, la sélection s’effectue en mixant la moyenne des notes obtenues aux deux épreuves de spécialité (coefficient 1), la moyenne des langues en contrôle continu (0,5) et les résultats obtenus aux épreuves du concours : questions contemporaines (3), histoire (3) et première langue vivante (1,5). En clair, un élève qui, au bac, obtient un 16/20 dans deux enseignements de spécialité sans lien avec le cursus de l’école aborde le concours en meilleure position qu’un candidat qui décroche un 15/20 dans les spécialités « sciences économiques et sociales » et « histoire-géo, géopolitique et sciences politiques ».

« D’autres formations, souvent les plus demandées, accordent beaucoup d’importance aux spécialités et choisissent d’emblée les très bons élèves correspondant au profil cible, relève cependant Pierre Mathiot. C’est le cas notamment dans les domaines scientifiques. »

La médecine offre un cas d’école. À Angers, assure le doyen de la faculté Nicolas Lerolle, « les spécialités du bac ne sont pas prises en compte dans le classement Parcoursup ». Seuls les candidats issus de la voie technologique sont désavantagés. En revanche, à Nancy, sont prioritaires, à notes égales, les candidats qui ont étudié physique-chimie et sciences de la vie et de la Terre. « Contrairement à une idée reçue, on fait très peu de maths dans nos cursus, justifie Lise Toschi, responsable de la scolarité du parcours accès spécifique santé (Pass). Le fait d’avoir suivi l’option maths complémentaires en terminale peut aider à suivre nos études mais n’influe pas sur le classement. »

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La question des mathématiques, qui ont disparu du tronc commun, s’avère lancinante. « Auparavant, beaucoup de formations sélectives, même dans des domaines éloignés des sciences, privilégiaient les candidats venant de la filière S, supposée la meilleure, rappelle Arnaud Patural, vice-président du Snceel, organisation de chefs d’établissement du privé. Il faudra du temps pour que leurs responsables cessent de sélectionner sur la base des maths, censées offrir une évaluation plus objective. Il est vrai aussi que de solides compétences mathématiques demeurent indispensables, par exemple, dans beaucoup de cursus économiques. »

Selon le ministère, l’an dernier, 90 % des candidats ont accepté une proposition de poursuite d’études en rapport avec leurs enseignements de spécialité de terminale.

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4. Les lettres de motivation sont-elles lues ?

Là aussi, il existe presque autant de pratiques que de cursus. En Pass, à Nancy, c’est clairement non. « Avec 5 000 dossiers, impossible de les lire toutes », plaide Lise Toschi. À l’inverse, Nathalie Lemaréchal, de l’institution Sainte-Marie à Bourges, dit porter une attention particulière à cet élément du dossier. « Nous observons la façon dont le projet professionnel est présenté. Et pour notre BTS de commerce international, nous sommes attentifs à tout ce qui peut attester d’une appétence pour l’étranger, comme les voyages. »

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Si toutes les formations, tant s’en faut, ne lisent pas ces lettres en détail, c’est que les candidats les rédigent rarement seuls. Certaines sont copiées-collées voire achetées sur Internet. Beaucoup sont écrites avec le concours des parents ou des enseignants. Lesquels se sentent parfois désemparés. « Je me demande si la lettre sera analysée par un algorithme », confie Cécile, prof d’histoire-géo dans un lycée rural de l’Yonne. En réalité, les lettres sont lues – ou pas – par un humain, jamais par une machine.

5. Vaut-il mieux être bon dans un lycée moyen ou moyen dans un bon lycée ?

« Mieux vaut être bon dans un lycée moyen », estime Pierre Mathiot. Mais, nuance le patron de Sciences Po Lille, cette réponse vaut surtout pour des formations très demandées dans de grandes universités. « Quand une fac de droit parisienne reçoit 15 000 vœux pour un millier de places, elle ne regarde que marginalement les dossiers de façon individuelle », argumente-t-il. « Ce sont alors les notes et le rang dans la classe qui comptent », abonde Hugo Gimbert.

« La donne est différente, reprend Pierre Mathiot, lorsqu’on vise des formations à taille humaine. A fortiori quand elles sont très prisées. Car alors leurs responsables, subodorant qu’elles figurent parmi les tout premiers vœux des candidats, sont plus enclins à examiner attentivement les dossiers. »

Dans ce cas, le profil du lycée d’origine est susceptible de faire gagner ou perdre des places. Un 14/20 à Henri IV vaudra plus qu’un 16/20 obtenu dans un établissement de banlieue populaire ou de zone rurale. Sciences Po Lille a sa solution : opérer un « redressement » des notes de contrôle continu – « jusqu’à 5 % de la note finale » – en fonction du taux de mentions très bien au bac dans le lycée d’origine.

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La Cour des comptes, en tout cas, déplore dans un rapport de 2020 que de nombreuses formations privilégient les candidats de certains établissements « sur la base de critères plus ou moins aléatoires, tel celui lié à sa réputation ». Les sages y recommandant d’« anonymiser le lycée d’origine » dans le dossier et d’y faire figurer « l’écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu ».

La tendance est en tout cas à l’harmonisation des pratiques de notation. Des établissements qui sous-notaient leurs élèves pour les aiguillonner et les amener à « surperformer » au bac se montrent un peu moins sévères.

6. Y a-t-il des risques de discrimination ?

Dans une décision de 2019, le Défenseur des droits estime que « le recours au critère du lycée d’origine pour départager les candidats, en favorisant certains jeunes ou en en défavorisant d’autres, en fonction du lieu géographique dans lequel l’établissement est situé peut être assimilé à une pratique discriminatoire, s’il aboutit à exclure des candidats sur ce fondement ».

« Je me suis dit que sa candidature serait mieux vue s’il postulait dans une formation publique »

Pour le reste, le dossier Parcoursup est en principe anonymisé. N’y figurent ni le nom, ni l’adresse, ni le genre – lequel apparaît uniquement si l’on demande une place en internat. Dans un autre registre, certaines formations privilégient les candidats qui ont obtenu le bac dans l’année. Ce qui pénalise des jeunes gens qui, après la terminale, se sont engagés dans une expérience à l’étranger ou le service civique, pourtant synonyme de maturité et de compétences supplémentaires.

Enfin, beaucoup de familles se demandent si leur enfant a plus de chances suivant que son lycée est public ou privé. La question s’est posée l’an dernier, certains établissements privés ayant ajouté sur les dossiers la mention « 100 % présentiel », pour se distinguer d’autres lycées ayant choisi de fonctionner en demi-jauge. Thomas, lui, a cru bon de retirer son fils de l’enseignement catholique à l’issue de la seconde, en juillet 2020. « Je me suis dit que sa candidature serait mieux vue s’il postulait dans une formation publique. » Pareille stratégie laisse Pierre Mathiot dubitatif. « Les collègues du supérieur cherchent avant tout de bons étudiants, qu’ils viennent du public ou du privé. Même si on ne peut pas exclure, ajoute-t-il, que telle université catholique regarde avec une attention particulière les dossiers venant d’un lycée catholique voisin. »

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7. Les bacheliers professionnels sont-ils désavantagés ?

« Nos élèves de lycée pro ne peuvent plus aller à l’université », se désole Karine, prof de français-histoire-géo. Si cette enseignante de la banlieue de Nantes en est convaincue, c’est qu’en se rendant sur la plateforme Parcoursup, avec ses élèves, elle tombe irrémédiablement sur des statistiques dissuasives… Pour chaque cursus, il est indiqué la proportion d’admis en fonction de la voie d’origine (générale, technologique, professionnelle). Et la part des bacheliers professionnels dépasse rarement les quelques pour cent…

« En moyenne, 2 % à peine des bacheliers professionnels réussissent leur licence en trois ans, rappelle Pierre Mathiot. Il me paraît normal de mettre en garde toute personne qui va marcher sur la plage pendant les grandes marées… »

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Rien n’empêche donc formellement les bacheliers professionnels de frapper à la porte de l’université. Mais leurs chances sont ténues. Car, comme le souligne Sigrid Gérardin, la cosecrétaire générale du Syndicat de l’enseignement professionnel public (Snuep-FSU), « les attendus, à la fac, s’inscrivent dans la continuité de la voie générale ».

Les bacheliers professionnels ont davantage vocation à rejoindre un BTS, plus adapté, quitte à enchaîner avec une licence pro ou un bachelor universitaire technologique (l’ex-DUT, qui s’obtient désormais à bac + 3). La loi leur y réserve d’ailleurs des quotas de places, décidés par le recteur. Mais ceux-ci varient fortement. « Dans les formations industrielles, ils atteignent souvent les 40 % à 60 %. En tertiaire, ils sont parfois limités à 20 % car ces cursus attirent des candidats issus des voies générale et technologique. » L’an dernier, affirme le ministère, 72 % des candidats issus d’un bac pro ont reçu une proposition d’inscription en BTS.

8. Le système reste-t-il opaque ?

L’opacité fait partie des critiques récurrentes. Certes, l’algorithme de la plateforme a été rendu public. « Mais son code source ne parle qu’aux spécialistes, relève Catherine Moisan. Et ce qui pose problème, ce sont les algorithmes locaux. »

Ces outils peuvent être utilisés par les formations sélectives et les formations non sélectives comptant plus de dossiers que de places, lesquelles sont tenues d’appeler les candidats sur liste d’attente au fil des désistements. En ce cas, la commission d’examen des vœux fixe les critères, qui diffèrent souvent d’une fac à l’autre, pour une licence portant le même intitulé…

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« Parcoursup gagne chaque année en transparence », soutient néanmoins Jérôme Teillard, au ministère. Aux attendus nationaux pour chaque licence sont venus s’ajouter, sur la fiche de chaque formation, les critères d’examen des vœux. Sont également précisés le nombre de places, celui des candidats de l’année précédente et surtout le taux d’accès, c’est-à-dire le pourcentage de candidats ayant obtenu une proposition d’inscription.

Si les progrès sont incontestables, ils sont loin d’être suffisants, aux yeux de la Cour des comptes. Les sages de la rue Cambon estiment ainsi que les « attendus » publiés sur Parcoursup pour chaque formation « manquent de fiabilité par rapport aux paramétrages retenus par les commissions d’examen des vœux ». Aussi leur rapport de 2020 préconise-t-il la publication des algorithmes locaux.

Une publication que l’Unef a tenté d’obtenir en engageant une longue bataille judiciaire.« Au final, le Conseil d’État a estimé qu’il suffisait aux formations de fournir un rapport sur l’utilisation de la plateforme pour que l’objectif de transparence soit réalisé », déplore Mélanie Luce, présidente du syndicat étudiant.

Aujourd’hui, la commission d’examen n’a pas à indiquer en amont ses critères de sélection. Mais un candidat refusé peut demander à connaître les raisons qui ont conduit au rejet de son dossier. Deux propositions de loi ont été déposées pour qu’on ne puisse plus refuser la publication des algorithmes locaux en invoquant le secret de la délibération du jury. Des textes qui n’ont pas été inscrits à l’ordre du jour.

9. Pourquoi le système est-il si lent ?

Contrairement à APB, Parcoursup ne demande pas aux candidats de hiérarchiser leurs vœux. Cela permet de réduire l’autocensure, puisqu’on ne prend désormais aucun risque à demander une formation très sélective. Chaque fois qu’on obtient une proposition d’inscription, on peut l’accepter définitivement et sortir du système, la refuser ou bien la conserver en attente, en espérant qu’une autre formation qui a notre préférence donnera son feu vert. On peut ainsi patienter plusieurs mois avant de franchir le pas et de s’inscrire dans un des cursus obtenus. Là où d’autres attendent plusieurs mois que le jeu des désistements leur permette d’obtenir une proposition d’inscription. De quoi susciter beaucoup de stress.

Jérôme Teillard rétorque que les candidats ont la possibilité, à partir de la fin juin, d’activer le « répondeur automatique ». « Ils hiérarchisent alors leurs vœux. S’ils obtiennent un oui à leur vœu n° 1, l’acceptation intervient automatiquement, ce qui libère plus rapidement des places dans les autres cursus demandés. »

Précisément, Catherine Moisan rappelle que dans son rapport 2021, le comité d’éthique de Parcoursup recommande le recours obligatoire au répondeur automatique, une fois les résultats du bac tombés, mi-juillet. « Cela permettrait aux candidats de mûrir leur projet entre janvier et juin. Les premières réponses les aideraient à soupeser leurs chances d’obtenir une proposition d’inscription de la part de chacune des autres formations visées. Puis le coup d’accélérateur, au début de l’été, permettrait à tout le monde ou presque de partir en vacances l’esprit léger. »

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10. Parcoursup est-il aussi efficace que l’assure le ministère ?

Lors de l’édition 2021, 91 000 candidats sur 931 000 n’avaient pas reçu de proposition à l’issue de la phase principale, mi-juillet. Après la phase complémentaire, qui permet de tenter sa chance dans d’autres formations qui n’ont pas fait le plein, après un éventuel accompagnement par une commission académique, seuls 239 lycéens – issus pour la plupart de la voie pro – restaient sans solution.

« Des dizaines de milliers d’inscrits sont sortis de la procédure sans s’inscrire dans une formation »

Un vrai succès ? « À ceci près que ces chiffres ne tiennent pas compte des plusieurs dizaines de milliers d’inscrits qui, en cours de route, sont sortis de la procédure sans s’inscrire dans une formation », rectifie Hervé Christofol, membre du bureau national du Syndicat national de l’enseignement supérieur. Certains peuvent avoir opté pour des petits boulots ou pour des études à l’étranger. D’autres n’ont pas obtenu leur bac. D’autres encore se sont probablement découragés, comme le suggère un chiffre livré par le département statistique du ministère de l’enseignement supérieur : 6 % des néobacheliers n’ont pas reçu de proposition d’inscription.

Certains bacheliers professionnels reviennent au lycée pour préparer en un an une mention complémentaire à leur bac, avant de retenter leur chance. De même, certaines facs proposent aux recalés de Parcoursup un diplôme universitaire (DU) au nom qui fleure bon le farniente, PaRéo (passeport pour réussir et s’orienter). Objectif : les aider à réfléchir à leur projet professionnel et à trouver leur voie. « Quitte à remonter leurs dossiers dans le classement Parcoursup, l’année d’après, l’université s’arrangera pour que les diplômés de ces DU soient acceptés dans une de ses licences », anticipe un enseignant-chercheur montpelliérain.

Avec près de 20 000 cursus accessibles en quelques clics, Parcoursup, le Meetic de l’enseignement supérieur, suscite beaucoup d’attentes. Mais force est de constater qu’entre candidats et formations visées, cela ne « matche » pas toujours.

« À la fin, Parcoursup, il fait bien ce qu’il veut… » Ces paroles amères, prononcées par une bonne élève refusée en médecine, le disent bien : Parcoursup est aujourd’hui beaucoup plus qu’un algorithme, c’est une machine à fantasmes, une vraie usine à stress.

Aussi, nous avons tenté de percer les secrets du processus d’orientation et de répondre en dix points aux interrogations, pour ne pas dire aux angoisses, des candidats et des familles. La démarche s’imposait : alors que l’enseignement supérieur s’adapte à peine à la réforme du lycée et que la crise sanitaire assombrit les perspectives professionnelles, soumettre son dossier et son sort à Parcoursup est devenu un rituel de passage aussi marquant – et bien plus décisif – que le bac.

(1) Le secteur s’apprécie généralement à l’échelle d’une académie ou d’une région, comme l’Île-de-France.

(2) Programmées à la mi-mars, les épreuves de spécialité sont cette année reportées à mai en raison de la situation sanitaire.

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