Depuis quelques semaines, les cercles de parents d’élèves parisiens bruissent d’un nouveau changement : les prestigieux lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, jusqu’alors exclus d’Affelnet, le logiciel qui gère l’affectation dans les lycées de l’ensemble des collégiens de troisième, vont bientôt rejoindre ce dispositif, en vigueur depuis 2008. Jusqu’à présent, ces deux établissements recrutaient leurs élèves sur dossier.
En mettant fin à cette exception, le rectorat de Paris espère diversifier la sélection des candidats, aujourd’hui massivement issus des catégories sociales très favorisées. Pour y parvenir, Henri-IV et Louis-le-Grand devraient appliquer un quota de boursiers – dont le taux n’est pas encore connu –, ainsi qu’une répartition des places entre les élèves issus de collèges favorisés, intermédiaires et défavorisés.
Car cette réforme est la deuxième marche d’un processus enclenché en 2021, avec la disparition des secteurs nord, sud, est et ouest. Dans le secteur est, la pression des candidatures avait généré une homogénéité scolaire sans précédent dans certains lycées de niveau, notamment Charlemagne (4e arrondissement). Paris obéit donc, désormais, à une sectorisation progressive : chaque collège dispose de cinq établissements de secteur, d’attractivité variable. Les collèges les plus défavorisés bénéficient de ce que l’on appelle un « bonus IPS » (pour indice de positionnement social), qui donne des points supplémentaires au collège en fonction des catégories socioprofessionnelles des parents.
Pas d’afflux vers le privé
L’entrée des lycées Henri-IV et Louis-le-Grand dans Affelnet suppose qu’ils appliquent, eux aussi, ce bonus, qui fait craindre à certains une déperdition de « l’excellence méritocratique ». Dans une tribune parue dans Le Monde, un collectif d’élèves et de parents des deux établissements a pointé les risques d’un « nivellement » inhérent, selon eux, à la sélection algorithmique d’Affelnet, « moins riche en informations qu’un bulletin scolaire ».
Pourtant, leur arrivée sur Affelnet aurait un impact intéressant sur l’élargissement social de leur base de recrutement – sans faire reculer leurs résultats au baccalauréat. En étudiant les données des 1 537 candidats à ces deux lycées en 2016 – qui ont obtenu leur baccalauréat en 2019 –, les économistes Julien Grenet et Pauline Charousset démontrent que ces lycées ne recrutent pas réellement les « meilleurs des meilleurs », mais favorisent, par exemple, les collégiens du secteur – un quart des 191 lycéens arrivés à la rentrée 2021 à Henri-IV étaient originaires du collège du même nom –, alors même que leurs performances scolaires sont plus faibles à l’arrivée : la part de mentions très bien obtenues en 2019 par les anciens collégiens d’Henri-IV était inférieure de 21 % à celle des élèves issus d’autres collèges.
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