Autant le dire tout de suite : Eindhoven n’est pas une ville de carte postale. Du centre historique, il ne reste presque rien. Le long des artères de cette cité industrielle néerlandaise, d’austères bâtiments en brique rouge sont entrecoupés d’entrepôts sur lesquels figurent, çà et là, le nom de Philips, l’entreprise qui a façonné le développement de la ville. Ces dernières décennies, la multinationale de l’ampoule et du CD y a cessé la majeure partie de son activité, laissant d’immenses bâtiments vacants. Et c’est précisément dans ces espaces que s’est développé un foyer majeur du design en Europe. Un mouvement porté par le succès d’une école, la Design Academy, par la Design Week, qui s’y tient chaque automne, et par l’installation d’un nombre conséquent de créatifs et d’ingénieurs, en quête d’espaces de travail peu chers et d’un écosystème industriel et technologique porteur.
Dans l’ancienne usine Philips qui abrite la Design Academy, on peut sentir, d’un étage à l’autre, un bouillonnement créatif. Ici, les étudiants imaginent de nouveaux objets, de nouvelles techniques, de nouveaux outils. Le tout dans une ambiance de joyeux bazar : dans les ateliers, on travaille le métal, le bois, le plastique, la céramique, on coud, on peint, on fabrique des meubles ou des vases, on imprime en 3D, on conçoit des jeux vidéo…
L’aura de la bande du Droog Design
Si cette école a été fondée en 1947, tournée vers le design industriel, sa réputation s’est forgée à la fin des années 1990 et dans les années 2000, portée par le succès international de certains de ses élèves devenus des « stars », et réunis dans le mouvement du Droog Design, un collectif néerlandais de designers apparu en 1993 et fondé officiellement en 1994 par Gijs Bakker et Renny Ramakers, qui crée meubles, objets et pièces d’architecture : Hella Jongerius, Maarten Baas, Tord Boontje, Piet Hein Eek… La Design Academy était alors présidée par Li Edelkoort, sorte de gourou de la mode et des tendances, et l’une des designeuses les plus célèbres au monde.
Depuis les années 2010, la direction a changé, mais ses diplômés continuent d’inonder les salons de designers à Milan, Miami, Paris… Si l’école est désormais à la pointe dans le « social design » (le design au service de causes politiques, comme la pauvreté, le réchauffement climatique…), l’aura de la bande du Droog est toujours présente. « Le design néerlandais, c’est une référence, on a tous été biberonnés à ça », commente Adèle Vivet, jeune diplômée en 2020. C’est un mouvement avec une grande liberté, de l’humour, de la poésie, qui s’est affirmé au travers d’un refus du design fonctionnel. Forcément, c’est séduisant ».
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