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Education : des réformes entre "précipitation" et "mise en œuvre mal accompagnée", selon un rapport du Sénat

Un bilan du quinquennat en matière éducative a été présenté le 23 février par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. A travers l’analyse de mesures phares telles que l’abaissement de l’âge d’instruction à trois ans, l’école inclusive ou la limitation des effectifs de la grande section au CE1, le rapport conclut que "de nombreux objectifs n’ont pas été atteints", conduisant à un sentiment de "naviguer à vue" et de "générations d’élèves cobayes". 

Le quinquennat a été riche de réformes en matière éducative. Celles-ci ont-elles eu les effets escomptés ? C'est la question à laquelle la commission sénatoriale de la culture, de l'éducation et de la communication, présidée par Laurent Lafon, tente de répondre dans un bilan rendu public mercredi 23 février 2022.  A travers l'évaluation de six mesures phares, les rapporteurs estiment que "dans de nombreux cas, la mise en œuvre de ces réformes donne l’impression d’une politique publique menée dans la précipitation, à la mise en œuvre mal accompagnée". 

"Une réforme symbolique insuffisamment accompagnée"

A commencer par l'abaissement de l'âge d'instruction à 3 ans, qui est "une réforme symbolique insuffisamment accompagnée". "En 2018, la quasi-totalité des enfants de 3 ans était déjà scolarisée, par la volonté de leurs parents. La loi n’a fait que suivre un mouvement ancien de société", constate la sénatrice Marie-Pierre Monier, co-rapporteure avec Max Brisson et Annick Billon. Cette proportion atteint 99,9% pour les 4 ans et 100% pour les 5 ans. En revanche, selon le bilan, deux départements, Mayotte et la Guyane, étaient plus particulièrement concernés par cette loi "en raison du taux significativement plus faible de scolarisation des élèves de maternelle (respectivement 77,9% et 77,7%) que la moyenne nationale (99,8% à la rentrée 2020)". La synthèse recense 2.800 enfants en Guyane et 6.200 enfants à Mayotte en âge d’aller en maternelle...et qui ne sont toujours pas scolarisés. Interrogé par les rapporteurs, le ministère dit "se fixer comme objectif une scolarisation de tous les enfants dès 3 ans pour 2025, soit plus de six ans après l’entrée en vigueur de la loi". Mais "pour les six générations d’élèves concernées, ce sont des temps essentiels d’apprentissage perdus", regrette Marie-Pierre Monier. De plus, l’abaissement de l’âge d’instruction obligatoire "ne s’est pas traduit par une politique d’accompagnement des enseignants et des personnels", déplore la sénatrice, dénonçant au passage le manque de modules de formation continue. 

AESH : des conditions de recrutement améliorées

Le bilan en faveur de l'école inclusive s'avère plus positif. Ainsi, sur le quinquennat, les crédits dédiés à l’école inclusive ont progressé de 65% pour atteindre 3,5 milliards d’euros dans le budget pour 2022 et le nombre d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) a augmenté de 33%. Le bilan sénatorial établit que leurs conditions de recrutement se sont améliorées lors de ce quinquennat. Principalement recrutés auparavant sous le statut de contrats aidés, ils le sont désormais en CDD de trois ans renouvelables une fois avant de se transformer en CDI. Les rapporteurs appellent cependant à un renforcement de leur formation, "en partant de leurs besoins et leurs conditions de rémunération" car si celles-ci "ont progressé, elles demeurent précaires". Un AESH perçoit pour l’accompagnement complet d’un élève du primaire – soit 24 heures – une rémunération mensuelle brute de 978 euros. 

La réforme du lycée risque d’accroître les inégalités territoriales

Promesse de campagne présidentielle, "le dédoublement des classes de CP et CE1 situées en zone d’éducation prioritaire a commencé à la rentrée 2017 et se fait de manière progressive", estime Annick Billon, chargée de présenter cette partie du rapport. "100% des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire sont désormais dédoublées mais le dédoublement des classes de grande section sera achevé au plus tôt à la rentrée 2023" et "l'on constate une baisse nette des effectifs moyens en grande section dès cette année", note le rapport. "Le budget conséquent n’a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP +", peut-on lire dans le bilan.

Autre mesure passée au crible des sénateurs : la réforme du lycée, restée selon eux "au milieu du gué". "Faute de dotation horaire globale (DHG) suffisante, dans un contexte de réforme du lycée fortement consommatrice d’heures pour les enseignements de spécialité et les options, de nombreux élèves ne bénéficient pas de leurs 54 heures d’orientation annuelles", déplore Max Brisson. Il signale que "la réforme du lycée risque d’accroître les inégalités territoriales entre les lycées où ces heures peuvent se dérouler et les autres qui, faute de DHG suffisante, ne sont pas en mesure de les organiser". Résultat : "Les lycées de petite taille connaissent des difficultés fortes, non seulement pour programmer des heures d’orientation mais aussi pour proposer suffisamment de spécialités et d’options". Pour contrer ces difficultés, les rapporteurs recommandent de "prévoir une dotation horaire spécifique pour les établissements isolés ou de petite taille, afin de garantir un déploiement équitable de la réforme du lycée".

 

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