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« Monter étudier à Paris n'attire plus autant les jeunes, c'est d'un autre temps »

Après l'international, les écoles misent aujourd'hui sur les territoires ! Depuis quelques années, les ouvertures de campus dans des villes secondaires s'enchaînent. Pour les écoles, c'est l'occasion de se rapprocher de nouveaux étudiants.

Epita, à l'origine francilienne, a ouvert quatre campus à Rennes, Strasbourg, Toulouse et Lyon. Ici, des étudiants du campus lyonnais.
Epita, à l'origine francilienne, a ouvert quatre campus à Rennes, Strasbourg, Toulouse et Lyon. Ici, des étudiants du campus lyonnais. (Marc Ollivier/Ouest-France)

Par Laura Makary

Publié le 22 févr. 2022 à 14:50Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

Lola et Clara sont copines d'enfance. Elles se rencontrent dans leur école primaire à Dijon, puis se perdent de vue au collège. Quelques années plus tard, une fois au lycée, Lola décide de se tourner vers une école d'ingénieurs généralistes. De préférence pas trop loin de chez ses parents… « J'ai passé mon bac en 2020, mes choix d'orientation ont eu lieu en plein confinement. Je n'avais pas envie de me retrouver seule, isolée dans un petit appartement à l'autre bout de la France, si l'on devait être à nouveau confinés par la suite ! », se souvient-elle. C'est là qu'elle découvre que l'Eseo, école d'origine angevine, vient d'ouvrir un nouveau campus à Dijon.

« Elle réunissait tous mes critères et était en plus près de chez moi ! Ça fait aussi des frais en moins, en évitant la pression de gérer toutes les tâches du quotidien en vivant seule », glisse Lola. De son côté, Clara sait qu'elle veut aussi rester à Dijon. Elle hésite avec une MPSI au lycée Carnot, mais choisit l'Eseo. Dès le premier jour, elles se retrouvent et se reconnaissent, petite promo oblige !

Aller au contact des étudiants

L'Eseo n'est pas le seul établissement à se développer en régions. Depuis cinq ans, les exemples se multiplient dans les écoles privées. L'Epita, à l'origine francilienne, a ouvert quatre campus à la rentrée 2017, à Rennes, Strasbourg, Toulouse et Lyon. L'Esilv, basée à la Défense, a annoncé s'installer à Nantes pour la rentrée 2022. Côté école de commerce, l'Essca a annoncé l'an dernier une septième implantation, à Strasbourg.

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Autre exemple : le groupe Omnes (ex-Inseec), qui prévoit un nouveau campus à Bordeaux en 2022, à Rennes en 2023 et par la suite à Marseille. Il est déjà implanté à Bordeaux, Paris, Lyon, Beaune et Chambéry. Rares sont les étudiants parisiens à partir sur l'un de ses campus, sauf ceux qui ciblent une spécialisation particulière, comme « business et sport », disponible uniquement sur le campus de Chambéry.

Aller à Paris représente un coût important, les logements sont chers et exigus, l'expérience étudiante pas toujours simple…'

José Milano, directeur du groupe ​OMNES (ex-Inseec)

« Notre objectif est surtout d'aller au contact des étudiants là où ils sont, avec une offre plus diversifiée, installée dans des villes à la fois moins chères pour nous et pour les familles. Aller à Paris représente un coût important pour les ménages, les logements sont chers et exigus, l'expérience étudiante pas toujours simple… Cela crée une forme de barrière à l'entrée », estime José Milano, directeur général du groupe. C'est aussi un confort pour les bacheliers. Le DG le constate : partir loin de chez ses parents n'est pas la même chose à 18 ans et à 21 ans. 

Cela, Anaïs peut en témoigner. Lycéenne à Aix-en-Provence, elle s'apprêtait à visiter des appartements à Nice, lorsqu'elle a reçu un feu vert de la part de l'Essca à Aix, son premier choix. « J'ai tout de suite accepté ! Je ne me sentais pas prête à partir de chez mes parents dès 18 ans. Nous vivons dans une maison avec un jardin, l'idée de me retrouver dans un petit appartement toute seule ne me faisait pas envie pour le moment », explique-t-elle, privilégiant un cadre de vie agréable, avec moins de contraintes et de questions budgétaires.

En lien avec le territoire

S'implanter en régions, c'est aussi l'occasion pour l'établissement d'enseignement supérieur de trouver une place sur un territoire avec ses propres caractéristiques. L'ESTP, dont le campus principal est situé en région parisienne, a ainsi choisi Troyes en 2017, Dijon en 2019, puis Orléans l'année prochaine.

L'ESTP, dont le campus principal est situé en région parisienne, a ainsi choisi Troyes en 2017, Dijon en 2019, puis Orléans l'année prochaine.

L'ESTP, dont le campus principal est situé en région parisienne, a ainsi choisi Troyes en 2017, Dijon en 2019, puis Orléans l'année prochaine.

« Il s'agit du même diplôme, mais avec quelques spécificités. Par exemple, Dijon est une ville qui se positionne sur les sujets liés à la smart city. Nos programmes de formation permettent d'intégrer ces problématiques économiques locales. Ce sont souvent les territoires qui viennent à la rencontre des écoles, car l'enseignement supérieur produit des revenus, des emplois, une valeur importante pour eux », détaille Joël Cuny, directeur de l'école d'ingénieurs. Un avantage potentiel pour les étudiants choisissant ces campus secondaires, qui seront alors en lien direct avec les entreprises de la région intéressées par ces compétences.

C'est également la stratégie de l'Iscom, qui atteindra les dix campus avec Nice et Rennes l'année prochaine. « Notre idée fondatrice est d'amener les futurs professionnels de la communication aux premiers jobs de leur choix. Or, il existe des PME, des entreprises, et donc des besoins, un peu partout en France. Cette décentralisation s'accélère. Depuis le début de la crise sanitaire, l'idée de monter à Paris ne fait plus autant rêver les jeunes, c'est d'un autre temps ! », souligne Marianne Conde-Salazar, directrice du groupe. Si les cours sont les mêmes dans les différents campus, en revanche, les exercices confiés par les entreprises partenaires varient, de façon logique, selon la région. Et selon le partenaire.

« Est-ce que vivre seul m'aurait réussi ? »

Parfois, le choix d'un campus en régions dépend aussi d'autres critères, plus personnels. Comme pour Arthur, qui a intégré l'Esdes à Annecy et non à Lyon. Originaire du chef-lieu de la Haute-Savoie, l'étudiant confie aimer sa ville et avoir eu envie d'y rester, tout simplement. « Nous avons le lac, les montagnes, cela permet d'avoir plein d'activités toute l'année ; j'avais envie de garder ce confort de vie. Quand j'ai vu que l'Esdes ouvrait un campus ici, je n'ai pas hésité », se souvient-il. Rester chez ses parents dans un premier temps l'a aussi rassuré. « Est-ce que vivre seul m'aurait réussi, à devoir tout gérer d'un coup après le bac ? », se questionne-t-il.

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Autre atout : pour son alternance, l'année prochaine, n'ayant pas de logement à charge, il peut viser n'importe quelle région de France sans avoir à payer deux studios.

Des avantages, nos étudiants témoins en voient beaucoup. Déjà avec la taille humaine de ces néocampus tout neufs, qui démarrent avec de petites promotions. « J'ai vu quelques cours à Lyon, où les promos sont plus importantes. Dans ma classe de bachelor, nous avons démarré l'année à douze. Forcément, en étant aussi peu nombreux, les professeurs sont à l'écoute, nous connaissent, ils voient tout de suite si nous avons des difficultés », confirme Arthur. À Aix, Anaïs a le même ressenti : « J'ai l'impression de connaître tout le monde, avec un environnement chaleureux, presque familial. »

Être prêt à bouger par la suite

Mais des inconvénients, il y en a bien sûr aussi quelques-uns. Ces campus en régions étant tout récents, les contacts avec les entreprises locales ne sont parfois pas encore tout à fait noués pour les stages et alternances. Les associations étudiantes sont encore en train de se constituer, avec des budgets naturellement moins importants. Et enfin, il faut être prêt à en bouger par la suite, car toutes les spécialisations ne sont pas disponibles partout.

Lorsque l'on pose la question à Lola, de l'Eseo, elle ne semble pas s'inquiéter pour la suite : « En termes d'opportunités, nous avons tous le même diplôme et nous profitons des mêmes contacts dans tous les campus pour les stages. À Dijon, l'ambiance est sympa, on se connaît tous, même entre les différentes promos, on fait plein d'activités tous ensemble. » Bonne nouvelle pour Lola : elle vise, pour ses années de master, la spécialisation « Industrie 4.0 », qui est accessible justement… à Dijon !

Laura Makary

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