Roger-François Gauthier a été membre du Conseil supérieur des programmes de 2013 à 2018. Il est également l’un des fondateurs du Collectif d’interpellation du curriculum, qui milite pour une approche globale des programmes scolaires.
Que faudrait-il pour sortir des polémiques incessantes autour de l’élaboration des programmes scolaires ?
Il faudrait commencer par les évaluer, ceux prescrits mais aussi ceux exécutés réellement en classe par les enseignants. Réaliser un tel audit permettrait de répondre à des questions simples, pour lesquelles nous ne disposons aujourd’hui d’aucun élément : ce que les élèves apprennent en histoire en classe de quatrième a-t-il du sens ou non pour chacun, pour tous, dans une culture durable ? Est-ce en lien avec ce qui est enseigné dans d’autres disciplines ? Est-ce que cela est cohérent avec la façon dont ils vont être évalués au brevet ?
Plus globalement, des programmes définis discipline par discipline et année après année donnent une mosaïque dont la cohérence n’est pas assurée. Il faudrait se placer à un niveau supérieur. Quand on lit le code de l’éducation, on n’a pas de réponse sur les finalités de l’école. En cascade, il semble difficile d’arrêter les programmes d’histoire de la classe de quatrième, pour reprendre cet exemple, si on n’est pas au clair sur les finalités. La réforme du lycée est symptomatique de ce point de vue : on ne s’est jamais demandé ce que devait être la culture d’un bachelier. On ne s’est pas non plus préoccupé de la liaison du socle commun entre le collège et le lycée. Rien de suivi, rien de cohérent !
Cette manière de concevoir les programmes est très franco-française. Comment cela se passe-t-il ailleurs ?
Il y a des évolutions intéressantes en matière de programmes, quand par exemple l’Etat définit moins d’éléments dans le détail au niveau national, et que l’établissement local est chargé d’en définir beaucoup plus. En Italie, l’équivalent de nos programmes nationaux se résume à de grandes directions. Pour les Français, une telle pratique semble absolument inacceptable, alors qu’ailleurs les enseignants jugent ce processus central dans leur pratique du métier.
Quid du rôle des enseignants dans l’élaboration des programmes ?
Les enseignants français voient les programmes tomber d’en haut. Les choix relèvent de fonctionnements opaques, où ils ne se sentent pas impliqués. Beaucoup sont fatigués de la course à l’échalote dans ce domaine et veulent qu’on arrête la valse incessante des programmes.
Faudrait-il, pour élaborer les programmes, une instance de l’ordre d’un conseil, qui soit indépendant et au-delà du temps politique ?
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