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Ile-de-France : l'artisanat industriel reste dans l'ombre

Le secteur, qui ne compte qu'à peine 2.300 entreprises en Ile-de-France, reste très dépendant des grands donneurs d'ordres industriels, malgré sa forte valeur ajoutée. Une étude conjointe de l'Institut Paris Région et de l'agence d'attractivité Paris Ile-de-France capitale économique appelle les pouvoirs publics à davantage les soutenir.

Réalisation d'un queusot de pompage.
Réalisation d'un queusot de pompage. (Facebook/Quartz Alliance)

Par Laurence Albert

Publié le 24 févr. 2022 à 14:23Mis à jour le 28 févr. 2022 à 12:47

A Villemer (Seine-et-Marne), Quartz Alliance conçoit des tubes et des béchers en quartz à façon pour les chercheurs. A Colombes (Hauts-de-Seine), Fransor élabore des alliages précieux sur mesure pour l'industrie dentaire et électronique. A Saint-Denis, les 30 salariés de l'Atelier Pras réalisent des maquettes industrielles pour Safran, Airbus ou Asltom. Ici, c'est un ébéniste invité au CERN, là, un artisan chargé de réfléchir au boîtier d'un futur ordinateur quantique

Quoique venus d'horizons différents, ces professionnels appartiennent tous à une catégorie qui, en Ile-de-France, tient à la fois du mouton à cinq pattes et de la pépite méconnue : l'artisanat industriel. Artisans, ils ne travaillent pas pour le grand public, mais pour des entreprises de l'industrie ou de la high-tech, pour lesquelles ils conçoivent des prototypes ou des pièces innovantes en petites séries. 90 % d'entre eux oeuvrent dans la métallurgie et la mécanique. Le reste se partage entre électronique, ennoblissement textile et fabrication plastique.

Atout pour la compétitivité

« Cet artisanat industriel, qui est un peu une spécificité française, est un atout pour la compétitivité internationale du Grand Paris. Avoir certaines collaborations entre le software à Saclay et le hardware à Saint-Denis, c'est tout le génie du Grand Paris », s'enthousiasme Alexandre Missoffe, le directeur général de Paris Ile-de-France capitale économique, qui vient de réaliser une étude sur le sujet avec l'Institut Paris Région .

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 En Ile-de-France, les artisans de l'industrie semblent faire face à des difficultés plus importantes qu'ailleurs. 

Thierry Petit Chef du service économique, Institut Paris Région

Pour l'heure, cependant, le secteur reste marginal, surtout en Ile-de-France. Avec ses 2.370 entreprises et ses 7.400 emplois, il ne représente que 1 % des entreprises et 1,4 % des emplois de l'artisanat francilien . Loin derrière les cohortes de taxis, fleuristes et autres boulangers.

« Alors que l'industrie francilienne représente 14 % de l'industrie française, ces artisans ne représentent que 8 % des artisans de l'industrie française », note Thierry Petit, chef du service économique de l'Institut Paris Région. Qui relève : « En Ile-de-France, ils semblent faire face à des difficultés plus ​importantes qu'ailleurs. »

L'immobilier, premier obstacle

L'immobilier est sans conteste le premier obstacle. Comme leurs homologues provinciaux, ces artisans aspirent à s'établir au plus près de leurs commanditaires, mais en Ile-de-France, ils butent sur le prix du foncier, d'autant que leurs activités de nature industrielle sont gourmandes en espace. Beaucoup s'éloignent : 70 % ont posé leurs cartons en grande couronne. Ceux qui restent participent au phénomène de « clusterisation » : mode dans le Nord-Est parisien, plasturgie au nord des Hauts-de-Seine, métallurgie dans le Nord.

Mais il faut les y encourager davantage, estime Alexandre Missoffe. « A Saclay, au Bourget, dans tous les lieux économiques importants, on crée des incubateurs à start-up. Pourquoi ne pas créer des hôtels d'artisanat industriels, qui leur donneraient plus de visibilité ? », s'interroge-t-il, militant pour la création d'une vitrine internationale de l'excellence artisanale sur le modèle de Station F.

Car la fragilité de ces artisans tient aussi à cette vie passée dans l'ombre de donneurs d'ordres auxquels ils restent fidèles. « Ils sont peu intégrés aux circuits industriels, aux pôles de compétitivité. Les grands groupes ont intérêt à les laisser dans l'ombre, c'est presque assimilé à du secret industriel », remarque Alexandre Missoffe. Les artisans s'accommodent de cette dépendance, même si certains déplorent des relations qui se dégradent, entre délais de commande raccourcis, primat du coût sur la qualité et manque de reconnaissance.

Aider ces entreprises à grandir

Car cette vulnérabilité est aussi de leur fait. « La plupart de ces artisans ne veulent pas grandir et entrer dans un mode de production trop concurrentiel », note Thierry Petit. « Ils investissent peu, refusent de s'endetter, privilégient des marchés de niche à haute valeur ajoutée et un modèle d'entreprise familial », constate-t-il.

L'Institut Paris Région pointe, dans son étude, « un manque de prise de conscience de l'enjeu stratégique que représentent ces acteurs pour l'ensemble du tissu industriel francilien » et appelle à davantage les soutenir. Car, estime, Thierry Petit, « certaines entreprises seraient prêtes à voir plus grand pour peu qu'a minima on les aide à surmonter leurs appréhensions dans leurs relations avec le monde industriel ».

Laurence Albert

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