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5G : les freins qui bloquent l'industrie française

Un rapport remis au gouvernement jeudi se penche sur le peu d'enthousiasme des industriels tricolores pour la 5G. Il critique le choix qui a été fait de ne pas leur attribuer de fréquences dédiées et recommande de créer rapidement de grandes plateformes d'expérimentation.

Le Technicentre SNCF de la banlieue rennaise est l'un des rares exemples en France d'un site industriel pariant sur la 5G.
Le Technicentre SNCF de la banlieue rennaise est l'un des rares exemples en France d'un site industriel pariant sur la 5G. (MATHIEU PATTIER/SIPA)

Par Sébastien Dumoulin

Publié le 3 mars 2022 à 18:29Mis à jour le 4 mars 2022 à 09:30

La 5G est en train de faire un flop chez les industriels. Plus d'un an après son lancement commercial en France, les professionnels ne sont qu'une poignée à essayer la technologie pour moderniser leurs lignes de production. Conscient du problème, le gouvernement avait demandé à Philippe Herbert - un ancien de Dassault Systèmes passé par de nombreux fonds d'investissement - un rapport sur le sujet.

Celui-ci a été remis jeudi aux ministres de l'Industrie et du Numérique. Agnès Pannier-Runacher et Cédric O se félicitent que les sept propositions du rapport s'accompagnent toutes d'une liste d'entreprises qui les soutiennent et s'engagent à participer à leur mise en oeuvre. « Nous allons créer les conditions pour que la mayonnaise prenne », résume Cédric O.« Nous ne sommes pas spécialement en retard, mais il ne faut plus en prendre ».

Le rapport est incisif. En dépit du volontarisme politique et de l'activisme d'un tout petit nombre d'entreprises comme ArcelorMittal ou SNCF, l'immense majorité des industriels français est « attentiste » sur le sujet de la 5G, selon les auteurs. Beaucoup, ajoutent-ils, n'ont « aucune conscience des enjeux qu'elle représente pour le futur de leurs activités ». « Il faut accélérer la sensibilisation », reconnaît Agnès Pannier-Runacher.

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L'échec des enchères 5G

Le rapport met le doigt sur plusieurs points de blocage, en commençant par le sujet très sensible des fréquences radio. Les auteurs critiquent le choix fait par l'exécutif et le régulateur de ne pas attribuer de spectre aux industriels à l'occasion des enchères organisées par l'Arcep fin 2019. Ou du moins d'avoir insuffisamment facilité l'accès à cette ressource critique finalement réservée aux telcos .

Ce point avait fait l'objet d'un intense débat à l'époque. Il avait été tranché en défaveur des industriels, au motif qu'ils ne se montraient (déjà) pas assez enthousiastes. Le régulateur leur avait toutefois ménagé deux issues de secours. La première était la possibilité d'utiliser une autre bande de fréquence que celle des opérateurs, autour de 2,6 GHz, pour bâtir des réseaux 4G privés, ayant vocation à basculer en 5G.

La seconde était l'obligation faite aux opérateurs télécoms, dans leurs licences 5G, de faire droit aux « demandes raisonnables » des industriels souhaitant profiter des réseaux 5G dans leurs usines. Selon le rapport, ce pis-aller s'est révélé un frein important au développement de la 5G industrielle.

Créer un appel d'air

De nombreuses entreprises se sont plaintes auprès des auteurs du rapport que les opérateurs télécoms ne jouent pas le jeu, profitant du flou entourant la notion de « demande raisonnable ». Quant au guichet de la bande 2,6 GHz, il est en réalité « insuffisant » et « trop compliqué ». Pour y accéder, un industriel doit débourser au minimum 70.000 euros pour obtenir un droit d'émettre sur une zone de 100 km2. Le ticket d'entrée est bien trop élevé pour tester une technologie nouvelle, tacle le rapport, et la zone d'émission bien trop large s'il s'agit d'équiper un site industriel de quelques km2. La puissance publique a donc manqué son coup : seules douze autorisations ont été délivrées à ce jour - quatorze fois moins qu'en Allemagne.

La première recommandation du rapport est donc de « faciliter et élargir l'accès à des fréquences dédiées » pour créer « un appel d'air pour les projets industriels ». Autrement dit, revoir de fond en comble la position officielle d'il y a quatre ans. Si nécessaire en allant chercher de nouvelles bandes de fréquences, dans la bande 3,8-4,2 GHz. Cela ne plaira pas aux opérateurs, qui lorgnent dessus et veulent éviter de se faire court-circuiter par des spécialistes comme HubOne et des intégrateurs comme Capgemini ou Sopra Steria qui se positionnent pour installer et opérer des réseaux mobiles privés. « Nous allons travailler à l'ouverture d'un guichet pour les industriels dans la bande 3,8 GHz », assure pourtant Cédric O. Le gouvernement s'engage également à revoir les règles d'attribution dans la bande 2,6 GHz.

Des millions pour les Fab Labs 5G

« La question des fréquences n'est pas le principal point bloquant », relativise Agnès Pannier-Runacher. « Il ne faut pas que cela soit l'arbre qui cache la forêt. » Le rapport met aussi en avant la nécessité de diffuser des supports pédagogiques à l'intention des industriels - y compris sur les questions sanitaires et environnementales -, de créer des formations spécialisées, de financer le développement d'équipements 5G clés en main (un sujet auquel l'Etat a annoncé l'été dernier consacrer 735 millions d'euros de subventions publiques )…

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« Il faut surtout que nous ayons, comme en Allemagne, des centres de test grandeur nature », explique Michel Combot, le directeur général de la Fédération française des télécoms. « Il y a beaucoup d'initiatives en France, mais aucun endroit de plusieurs milliers de mètres carrés pour simuler une large chaîne de production, reconfigurable grâce à la 5G. »

Ce déficit, identifié par le rapport, doit être rapidement comblé. Le gouvernement et la Banque des Territoires vont soutenir financièrement la création de « Campus Fab Lab 5G Industrie ». L'investissement est évalué à quelques dizaines de millions d'euros par Bercy. Ce n'est pas cher payé pour moderniser l'industrie française.

Sébastien Dumoulin

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