Drapeaux rouges et banderoles dans le vent froid, les syndicats CGT et FO d’Orpea ont manifesté, mardi 8 mars au matin, devant le siège du groupe d’Ehpad privés à Puteaux (Hauts-de-Seine). Il s’agissait de protester contre la « discrimination syndicale » qui serait à l’œuvre dans le groupe au profit d’un syndicat « maison », mais aussi de demander de meilleures conditions de travail. Une revendication qui dépasse largement les seuls Ehpad du secteur privé lucratif (un quart du parc).

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« Les soins, les gestes techniques, les toilettes, qui impliquent la réalisation de tâches répétitives et pénibles aux plans physique et psychologique, occupent une place plus centrale qu’auparavant dans les missions des soignants », relèvent les députés Didier Martin (LREM), Marine Brenier (LR) et Cyrille Isaac-Sibille (Modem), qui viennent de conduire une mission d’information sur les conditions de travail en Ehpad, où ils notent que « les personnels sont bien souvent soumis à des rythmes harassants, à des cadences intenables ». Au détriment des résidents.

Pointant le taux d’encadrement « trop faible (…) pour garantir une prise en charge de qualité », notamment dans le secteur privé commercial, les trois députés demandent de « définir un ratio minimal opposable de personnels "au chevet" par résident ». Sans toutefois avancer de chiffres, alors que, par exemple, la CGT plaide pour « un soignant pour un résident ».

« En termes de recrutement, nous sommes face à un mur »

Même si le gouvernement, dans son plan pour les Ehpad, a annoncé le recrutement de 20 000 postes de soignants supplémentaires, « dont plus de 10 000 déjà recrutés », assure-t-il, les besoins sont énormes. « Le secteur plaide pour plus de normes, mais ils savent très bien qu’ils n’ont pas les infirmiers ni les aides-soignants qu’il faudrait recruter : ceux actuellement en formation ne suffisent déjà pas », relève un spécialiste. La mission Martin-Brenier-Isaac-Sibille le reconnaît d’ailleurs : « En quelques années, les candidatures aux concours d’accès au métier d’aide-soignant ont chuté de 25 %. »

« En termes de recrutement, nous sommes face à un mur », concède Nadège Plou, DRH de Korian France, plaidant pour une dispense afin que les aides-soignantes qui se forment en interne pour devenir infirmières bénéficient de formations plus courtes. Là encore, la mission parlementaire souhaite simplifier le processus de validation des acquis de l’expérience et favoriser les passerelles entre formations.

Dans le plan de contrôle des Ehpad annoncé mardi, le gouvernement propose aussi de renforcer le rôle des médecins coordinateurs – dont 30 % des Ehpad sont dépourvus, malgré l’obligation légale – avec une obligation de présence d’au moins deux jours par semaine et la possibilité pour eux de prescrire (ce qui est jusqu’ici réservé au médecin traitant de chaque résident).

« Nous sommes arrivés au bout d’un système »

S’intéressant quant à eux à la gestion des Ehpad, les députés Caroline Janvier (LREM), Jeanine Dubié (PRG) et Pierre Dharréville (PCF) invitent, dans un rapport publié également mardi, à un meilleur contrôle non seulement financier, mais aussi des ressources humaines. Ils demandent notamment de mieux encadrer les « faisant fonction » – qui effectuent certaines tâches sans avoir le diplôme requis, et donc en étant moins payés.

Ces trois députés vont même plus loin en appelant à mettre fin à la distinction, source de complexité, entre « soin » et « dépendance », le premier étant financé par les ARS, et la seconde par les départements.

« Nous sommes arrivés au bout d’un système qui a émergé quand les Ehpad ont été créés pour désengorger les unités de soins de longue durée », explique le docteur Didier Armaingaud, directeur médical de Korian, favorable à « une médicalisation des Ehpad, avec des médecins prenant en charge les résidents », comme à la présence de « véritables professionnels du social ». « Nos résidents ont aussi des besoins psychoaffectifs, reconnaît le médecin, qui travaille depuis trente ans sur la dépendance. C’est là-dessus qu’il y a un vrai manque. »