C’est l’aboutissement d’un an de recherches. En janvier 2021, le Comité national d’action laïque (CNAL), fédération de cinq organisations impliquées sur le terrain de l’éducation, demandait à chaque inspection d’académie de lui fournir le « dernier » rapport de visite réalisé dans « chaque » établissement privé hors contrat relevant de son périmètre. Façon de porter l’attention, au-delà de la petite minorité d’établissements musulmans habituée au feu des projecteurs, sur l’ensemble de ces 1 800 structures qui, en vertu de la liberté reconnue de l’enseignement, peuvent accueillir un public scolaire. Aux frais des familles, sans subsides publics, et sans autre obligation que celle de transmettre aux enfants le même bagage de connaissances et de compétences – le « socle commun » – que celui garanti à tout jeune au terme de sa scolarité obligatoire (16 ans).
Travail d’enquête laborieux : toutes les inspections d’académie, tous les établissements n’ont pas joué le jeu. « En cas de réponse négative ou de non-réponse, nous avons systématiquement saisi la CADA [Commission d’accès aux documents administratifs], explique Rémy-Charles Sirvent, secrétaire général du CNAL et secrétaire national du SE-UNSA, puis relancé les demandes, ressaisi les inspections… » Certains rapports sont encore en attente de transmission.
C’est sur la base de 164 rapports d’inspection ainsi réunis – un nombre qui révèle, en creux, la difficulté à faire œuvre de transparence – que le Comité national d’action laïque a communiqué, mercredi 9 mars, ses observations. Synthèse inédite, sans aucun doute : elle donne à lire des paragraphes entiers de rapports qui n’ont pas vocation à être publiés. Synthèse non exhaustive, réagiront les défenseurs du libre choix d’école. De fait, les extraits divulgués mettent en avant ce que les enquêteurs sont venus chercher : « d’importantes dérives, écrivent-ils, tant sur les conditions de la scolarité des enfants et des adolescents que sur les contenus d’enseignement et leur mise en œuvre pédagogique ».
« Fermeture sur le monde »
« Seuls trois ou quatre rapports sont très bons, avance Stéphanie de Vanssay, elle aussi affiliée au SE-UNSA, qui a participé à l’enquête. Il y a un “ventre mou” d’établissements pour lesquels les rapports ne sont ni bons ni mauvais. Mais plus de la moitié alertent sur des dysfonctionnements sérieux. »
Le florilège dressé est accablant. C’est, dans tels établissements catholiques traditionalistes, l’utilisation de manuels scolaires très obsolètes – voire l’absence totale de manuels – qui est mise en avant. Souvent aussi, le mélange entre foi et histoire – quand l’une ne remplace pas l’autre. Et, de manière récurrente, la « fermeture sur le monde » ou « sur la société ».
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