Village de la Justice : En quoi consiste votre fonction ?
Blandine Gardey de Soos : "Ma fonction consiste à assurer, avec l’aide des autres membres du bureau et en lien avec les procureurs généraux et les instances professionnelles concernées, le respect des règles déontologiques et le suivi des procédures disciplinaires relatifs aux avocats, aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice, aux commissaires de justice, aux greffiers des tribunaux de commerce, aux notaires, aux opérateurs de ventes volontaires, aux courtiers de marchandises assermentés et aux experts judiciaires.
Cette « communauté disciplinaire » agit au quotidien pour veiller au respect des règles déontologiques par les membres des professionnels du Droit. Mon bureau est également en charge de la rédaction des textes législatifs et réglementaires relatifs à la déontologie et à la discipline de ces professions. Récemment nous avons ainsi porté devant le Parlement le titre V de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire portant réforme de la déontologie et de la discipline des professions du Droit. Cette réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2022. Elle vient renouveler en profondeur l’architecture et la procédure disciplinaire. Elle doit permettre un meilleur traitement des réclamations et des plaintes des usagers."
Comment concrètement l’exercez-vous, quels sont vos "outils", vos moyens ?
"Actuellement le bureau est composé de six personnes. Ces moyens humains permettent d’échanger au quotidien avec les instances nationales des professions et avec les parquets généraux. Ce réseau de correspondants, au niveau local et national, est un outil précieux pour le fonctionnement quotidien du bureau.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de la discipline de la loi confiance, le bureau travaille également à la formation des futurs acteurs de la procédure disciplinaire. Il préparera notamment des dépêches qui viendront préciser les modalités d’application des nouveaux textes, législatif et réglementaires.
Enfin, nous allons prochainement mettre en ligne sur le site Internet du ministère de la Justice des fiches pratiques à l’intention des usagers sur les thématiques de la déontologie et de la discipline. L’objectif est d’assurer une meilleure connaissance des principes déontologiques applicables aux professions du droit."
Quelle est votre définition de la déontologie ?
"La déontologie est « l’ensemble des règles de conduite, quelles que soient leurs formes, applicable à une catégorie de professionnels libéraux, que la communauté professionnelle concernée reconnaît comme nécessaire pour garantir que l’activité professionnelle sera exercée conformément à l’intérêt général et dans des conditions de nature à préserver l’intégrité de l’image de la profession » [1].
Cette définition est intéressante parce qu’elle insiste sur le caractère protéiforme des règles déontologiques et le nécessaire consensus qui les entoure. C’est donc à la profession que revient la mission de fixer ses règles de conduites et bonnes pratiques, l’autorité de tutelle n’intervenant que de manière subsidiaire en cas de carence normative. La déontologie remplit une double mission : celle de préserver l’image, la réputation des professionnels qui lui sont soumis mais surtout, et cette dimension est particulièrement présente aujourd’hui, celle de garantir que l’activité sera exercée dans l’intérêt de tous et principalement du public."
Comment concilier les différentes déontologies entre elles selon vous, notamment dans le cadre de l’interprofessionnalité, dont c’est une des problématiques ?
"Les professions du Droit ne sont pas soumises à une déontologie unique. Chacune dispose d’un corpus de règles distinctes, propre à l’exercice de la mission qui lui est confiée.
Ainsi la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit-elle que chaque profession rédige son propre code de déontologie. Il nous est en effet apparu qu’en dépit de terminologies parfois similaires, les principes déontologiques ne recouvraient pas la même définition dans la pratique professionnelle. Il nous semble donc important que chaque professionnel applique sa propre déontologie, et en particulier lorsqu’il exerce dans le cadre d’une structure inter-professionnelle.
A cet égard, les travaux de rédaction des futurs codes de déontologie vont permettre une réflexion approfondie sur la sémantique qui pourra éclairer les pratiques. Une fois installés, les nouveaux collèges de déontologie, créés par l’article 33 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, ont également vocation à émettre des avis et des recommandations sur l’application des codes de déontologie. Ils auront donc un rôle à jouer dans la mise en œuvre des principes et leur conciliation avec les règles déontologiques des professions voisines."