En présentant son projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur en conseil des ministres – qui l’a adopté mercredi 16 mars –, le ministre Gérald Darmanin a affirmé ses ambitions : mener une « révolution copernicienne » de la police et de la gendarmerie, celle du « numérique » et des forces de l’ordre « augmentées ».
Au milieu des années 1980, Pierre Joxe avait fait taire le cliquetis des machines à écrire dans les commissariats pour les remplacer par des ordinateurs de la taille d’une machine à laver ; son lointain successeur – qui a fait de l’ancien ministre de l’intérieur socialiste sa référence et un modèle de modernité – entend y mener la « transformation numérique » indispensable pour faire face à la croissance exponentielle de la cyberdélinquance.
Aussi, sur les douze mesures clés du texte, les trois premières concernent-elles cette matière encore en friche : mise en place d’un « numéro 17 » spécialisé à destination des victimes, sorte de police-secours du rançongiciel et de la fraude informatique, création de 1 500 postes de cyberpatrouilleurs et d’une Agence du numérique des forces de sécurité pour équiper policiers et gendarmes de caméras piétons (53 000 seront déployées en 2022) et de postes mobiles « à la pointe de la technologie ». Quelque 240 000 téléphones de dernière génération devraient ainsi être livrés d’ici à l’été, assortis de 800 000 accessoires tels que chargeurs, câbles et oreillettes.
Montant prévu de ces investissements : 8 milliards d’euros, soit plus de la moitié des 15 milliards d’euros de moyens supplémentaires aux forces de sécurité sur cinq ans.
Forte dimension technologique
Si l’intendance devrait suivre sans difficulté en ce qui concerne le matériel, qu’en sera-t-il des projets structurants ? Parce qu’il a pu éprouver les limites de son ministère, M. Darmanin a décidé de lancer une campagne de recrutement de 300 fonctionnaires et contractuels « de haut niveau » pour assurer plus efficacement cette transition numérique à laquelle la technocratie de la place Beauvau s’est relativement mal accommodée jusqu’ici.
Le réseau radio du futur, notamment, qui doit permettre à l’ensemble des services de sécurité et de secours du pays d’utiliser le même réseau de communications, accuse un net retard. Quant au logiciel de rédaction de procédure pénale, sa mise en service a été repoussée à 2024, dernière station annoncée d’un chemin de croix administratif et informatique qui a épuisé trois responsables de projet depuis 2016.
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