C’est l’histoire d’un petit laboratoire de films situé en banlieue parisienne, L’Abominable (admirez le jeu de mots), devenu au fil du temps le temple du cinéma argentique. D’abord installé à Asnières (Hauts-de-Seine) en 1996, L’Abominable a ensuite migré à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) en 2011, alors que le cinéma opérait sa mue vers le numérique, celle-ci entraînant la fermeture des gros labos qui fabriquaient au kilomètre de la copie 35 millimètres. L’un d’eux, l’établissement Eclair, situé à Epinay-sur-Seine, dans le même département du 93, finit par mettre la clé sous la porte en 2013. Quelques années plus tard, en 2018, la commune décidait de racheter le site de 4 hectares à l’initiative de son maire, le centriste Hervé Chevreau, en vue de le convertir en lieu culturel.
Au départ, l’association L’Abominable ne figurait pas dans le projet de friche artistique de l’élu local. Mais les réalisateurs – Nicolas Rey, Julia Gouin, Emmanuel Falguières, Nathalie Nambot… – sont venus frapper à la porte, contraints de devoir eux-mêmes quitter leurs locaux de La Courneuve – une ancienne école où vont avoir lieu des travaux de réhabilitation. Séduit par ce retour de l’histoire, le petit labo rallumant les lumières de l’ancien fleuron de l’industrie cinématographique, le maire d’Epinay-sur-Seine a décidé de mettre à disposition du laboratoire des locaux d’environ 1 000 mètres carrés, à charge pour les cinéastes de trouver les financements relatifs aux travaux de mise aux normes – estimés à 2,4 millions d’euros. Outre l’atelier de fabrique, avec ses machines (tireuses optiques, etc.), sa table de postproduction et son lieu de vie, une salle de projection (de soixante-dix places) accueillera du public – vraisemblablement à l’automne 2023 –, le tout dessiné par l’architecte François Le Pivain. Baptisé Navire Argo, le projet continuera d’être géré par L’Abominable.
Site resté dans son jus
Le rayonnement du laboratoire, avec ses films sélectionnés dans les grands festivals, n’a pas échappé au maire. L’un de ses piliers, Nicolas Rey, né en 1968, est connu pour son travail d’orfèvre sur pellicules périmées (vous avez bien lu). Il est l’auteur d’Autrement, la Molussie (2012), somptueuse et bucolique balade dans un pays imaginaire, miné par le fascisme, qui obtint le Grand Prix au Cinéma du réel en 2012. Au « Réel », cette année, un autre long-métrage issu de L’Abominable se retrouve en compétition française, Navigators, de Noah Teichner. Citons encore Los Conductos, de Camilo Restrepo, un essai graphique sur la violence en Colombie, Prix du meilleur premier film à la Berlinale en 2020.
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