Dans le salon, la petite télévision posée sur une table dans un coin prend la poussière. D’ailleurs elle n’est même pas branchée. On comprend tout de suite que l’inspiration ne vient pas d’ici. Peut-être dans les livres qui surchargent les étagères de la bibliothèque, ou dans une petite pièce qui jouxte le salon où l’on distingue un bureau avec un écran de taille sérieuse cette fois-ci. Chez Fanny Herrero, la télé ne se regarde pas, elle se fabrique.
La créatrice de la série Dix pour cent au succès international fait son retour avec Drôle, une fiction sur quatre vingtenaires « stand-uppeurs » diffusée sur Netflix depuis le 18 mars et dans le cadre du festival Séries Mania. Elle nous raconte son enfance de « rastaquouère » dans une famille de sportifs soixante-huitarde à Toulon et ses années d’études prestigieuses à Paris avant de bifurquer vers sa vraie passion : l’écriture.
Vos deux parents étaient professeurs de sport, tendance « anar ». Dans une ville de droite comme Toulon, quelle enfance avez-vous vécue ?
J’ai grandi dans une maison avec un jardin dans un quartier populaire de Toulon. J’ai le souvenir d’une enfance très libre, ludique et joyeuse, mes parents étaient présents et nous formions avec mon frère une sorte de clan. Mon père vient d’une famille d’immigrés espagnols, ouvriers agricoles dans l’Hérault, ils étaient six enfants, c’était la vie dure. Ma mère a grandi au fin fond de l’Auvergne rurale. Mes parents incarnent cette génération pour qui l’école a vraiment été un ascenseur social : bacheliers tous les deux, puis profs de gym. Et puis bien sûr, le rugby tient chez nous une place particulière : c’est par le rugby que mon grand-père paternel s’est sorti de la misère, plus tard c’est aussi ce qui a permis à mon père [Daniel Herrero, ancien joueur de rugby à XV et entraîneur de Toulon] de s’élever socialement.
« J’ai toujours adoré le français et par-dessus tout, les rédactions. Ce goût pour le langage m’a suivie tout au long de mes études »
Mes parents étaient de vrais soixante-huitards, pas tant par le militantisme que par le besoin de liberté. Ils ont toujours été naturistes, passionnés par les pédagogies alternatives, intéressés par les luttes sociales, voire un peu anar. Pendant longtemps, mon père s’est habillé de façon excentrique, il avait son bandeau rouge autour du front, mais aussi de vrais vêtements d’Indien d’Amérique – veste à franges, mocassins, qu’il achetait à des marginaux qui vivaient dans une forêt de l’arrière-pays varois. Une de nos vieilles voisines nous appelait « les rastaquouères ».
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