Hauts-de-Seine : pourquoi la revalorisation des salaires des auxiliaires de vie traine dans le département

La revalorisation des salaires des aides à domicile du secteur associatif doit se faire en grande partie grâce au financement des départements. Mais le conseil départemental des Hauts-de-Seine a décidé de le conditionner à un contrat d’objectif et de moyens et de l’étendre à l’ensemble des acteurs de la filière, associatifs et privés.

«Nous sommes des invisibles au service des invisibles et nous avons l’impression de laisser tout le monde indifférent», se désole une aide à domicile du département. (Illustration) LP/Olivier Corsan
«Nous sommes des invisibles au service des invisibles et nous avons l’impression de laisser tout le monde indifférent», se désole une aide à domicile du département. (Illustration) LP/Olivier Corsan

    Pour elles, c’est la douche froide. Une trahison institutionnelle même. Alors qu’on leur avait promis, après leur forte implication pendant le confinement, une hausse de leur rémunération de 13 à 15 % pouvant représenter jusqu’à 300 euros bruts par mois, les auxiliaires de vie du secteur associatif des Hauts-de-Seine s’inquiètent fort de s’asseoir dessus. « Nous sommes des invisibles au service des invisibles et nous avons l’impression de laisser tout le monde indifférent », déplore Marie-Pierre, aide à domicile dans le sud du département.

    Un décret a été publié le 8 septembre dernier visant à réévaluer leur rémunération à travers le soutien financier des départements que l’Etat dédommagera en partie. « C’était une très bonne nouvelle pour nous, d’autant plus que nous avons de sérieux problèmes de recrutement », remarque Catherine Secondini, présidente de l’Association de soins à domicile (ASAD) de Bourg-la-Reine.



    Mais à la grande surprise des associations des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) des Hauts-de-Seine, le conseil départemental a décidé de ne pas s’y engager de façon automatique. Il n’est pas obligé légalement de le faire puisque « l’avenant 43 à la convention collective de la branche associative de l’aide à domicile concerne les conseils départementaux qui habilitent les associations à l’aide sociale. Ce n’est pas le cas du département des Hauts-de-Seine, qui ne tarifie aucun SAAD », justifie la collectivité.

    « Pour éviter de créer un déséquilibre »

    Neuf associations se sont constituées en collectif et ont écrit au préfet des Hauts-de-Seine pour lui faire part de leur impasse. « Le gouvernement a rendu obligatoire cette revalorisation mais on ne peut pas la financer sans l’aide du département, qui n’est pas légalement obligé de le faire. Si nous le finançons nous-mêmes, il faudrait qu’on augmente nos tarifs (horaires) de 2 euros, sinon c’est la cessation de paiement. On demande déjà 25 euros en moyenne par heure, alors que d’autres entreprises privées sont à 24 euros. On ne serait plus concurrentiel », résume Frédéric Primat, le directeur de Synergie, une association d’aide à domicile de Châtenay-Malabry. Car les associations s’exposent à des poursuites aux prud’hommes si elles n’appliquent pas la revalorisation.

    Même s’il n’est pas tenu d’apporter son soutien financier, le département pourrait tout de même décider de le faire en conventionnant les associations, comme d’autres départements l’ont fait. Mais cela n’a pas été son choix, comme les départements des Yvelines et de Mayotte.

    Châtenay-Malabry, le 9 mars 2022. Marie-Pierre et Nelly (à gauche) sont employées comme auxiliaires de vie par Frédéric Primat (à droite), président de l'association Synergie. Il a monté un collectif avec Catherine Secondini (à sa droite), présidente de l'association d'aide à domicile de Bourg-la-Reine pour faire financer la revalorisation de salaire de leurs employées par le département des Hauts-de-Seine.
    Châtenay-Malabry, le 9 mars 2022. Marie-Pierre et Nelly (à gauche) sont employées comme auxiliaires de vie par Frédéric Primat (à droite), président de l'association Synergie. Il a monté un collectif avec Catherine Secondini (à sa droite), présidente de l'association d'aide à domicile de Bourg-la-Reine pour faire financer la revalorisation de salaire de leurs employées par le département des Hauts-de-Seine. LP/Marjorie Lenhardt

    Le conseil départemental des Hauts-de-Seine a choisi de le faire à sa manière. S’il propose un financement horaire spécifique de plus de trois euros en moyenne aux SAAD, il veut le généraliser à toutes les structures de maintien à domicile quel que soit leur statut.

    « Les structures associatives ne représentent dans les Hauts-de-Seine que 14 % des structures intervenant dans le champ de l’accompagnement des personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap, à côté des structures à statut privé lucratif ou public », fait-il remarquer.

    « Pour éviter de créer un déséquilibre entre les associations et les acteurs privés ou publics, qui assurent tous la même mission, le département privilégie un dialogue avec l’ensemble des acteurs de la filière », justifie la riche collectivité de l’ouest parisien, qui a d’autre part décidé de conditionner la revalorisation à une démarche de « qualité des services proposés sans répercussions sur les usagers » : les associations sont invitées à signer un contrat d’objectifs et de moyens pour pouvoir en bénéficier.