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Ouvrir le monde du travail à tous les handicaps, visibles et invisibles

Pour les personnes qui en souffrent, décrocher un poste relève encore du parcours du combattant. Leur garantir une meilleure insertion professionnelle sera l’un des enjeux des années à venir.

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Publié le 29 mars 2022 à 08h00, modifié le 29 mars 2022 à 08h01

Temps de Lecture 4 min.

Le secteur privé n’emploie que 3,9 % de personnes handicapées et le public 5,6 %.

Quatre-vingts pour cent des personnes en situation de handicap ne se signalent ni par un fauteuil roulant ni par une canne blanche. Atteintes par une pathologie invisible, elles sont pourtant confrontées à des difficultés tangibles, qu’elles souffrent de maladies chroniques (asthme, cancer, diabète, endométriose…), de troubles psychiques (dépression, schizophrénie, troubles obsessionnels compulsifs…), de troubles cognitifs (dyslexie, dyspraxie…), de handicaps sensoriels (surdité…), voire de certains handicaps moteurs.

Si pour les personnes en situation de handicap visible, les chemins vers l’emploi sont tortueux, voire obstrués, les personnes en situation de handicap invisible subissent une forme de double peine. Celles qui choisissent de ne pas révéler leur état à leurs collègues et à leur employeur doivent bien souvent gérer, en plus de leurs problèmes de santé, suspicion, incompréhension, peur, quiproquos, rejet, voire exclusion pour inaptitude. En choisissant de « prendre sur elles », de « faire bonne figure », ces personnes qui bataillent au quotidien pour compenser leur handicap peuvent même finir par s’effondrer.

Que les handicaps soit invisibles ou visibles, décrocher un poste dans l’Hexagone relève du parcours du combattant. Bien que la loi de 1987 impose un quota de 6 % de salariés handicapés dans les entreprises, le secteur privé atteint laborieusement 3,9 % (en 2019). Et le secteur public totalise 5,6 % (en 2020). Durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, « grâce à la mobilisation gouvernementale, de nombreuses mesures ont été prises. Nous avons travaillé sur l’employabilité de la personne et l’accompagnement du collectif de travail des employeurs pour passer de l’obligation à l’envie », résume Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat auprès du premier ministre chargée des personnes handicapées, qui nous a répondu le 22 février.

Parmi les mesures qui ont vu le jour, la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap est entrée en vigueur en 2020. Elle a notamment enjoint aux recruteurs de privilégier l’emploi direct plutôt que de recourir à la sous-traitance ; elle a aussi accordé des droits définitifs en cas de handicap irréversible et rendu obligatoire la désignation d’un référent handicap pour toute entreprise de plus de 250 personnes. De son côté, Cap emploi, qui accompagne les personnes handicapées et leurs employeurs, poursuit son rapprochement avec Pôle emploi.

Accompagner les dirigeants

Autre outil déployé, une aide de 4 000 euros par recrutement de personne en situation de handicap a permis « 29 000 embauches, dont les deux tiers en CDI », selon Sophie Cluzel. Les contrats d’apprentissage ont bondi de presque 80 % entre 2019 et 2021 et sont désormais au nombre de 8 159. Enfin, 90 plates-formes labellisées « Emploi accompagné » ont épaulé gratuitement 6 000 personnes et leurs employeurs en 2021. « Quant aux entreprises adaptées et aux ESAT [établissements et services d’aide par le travail], diverses mesures sont à l’œuvre ou en cours de déploiement pour fluidifier les trajectoires entre les milieux professionnels tout public, protégé et adapté », poursuit la secrétaire d’Etat.

L’Etat a aussi signé une convention avec l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) sur la période 2021-2024. « Notre boussole est de faire évoluer le taux d’emploi des personnes en situation de handicap, d’être au plus proche de celles-ci et des entreprises. Nous accompagnons les dirigeants dans le recrutement et le maintien dans l’emploi de leurs collaborateurs, notamment grâce à la prévention, la compensation et l’aménagement des postes de travail », explique son président, Christophe Roth. Bien conscient de l’ampleur de la tâche à accomplir, il ajoute : « Nous œuvrons afin que les multiples acteurs de l’écosystème travaillent ensemble. »

Le quinquennat écoulé a-t-il été à la hauteur des ambitions affichées en 2017 ? « De multiples mesures ont été prises, c’est indéniable, mais elles ne constituent pas une réforme systémique. Plus globalement, c’est toute l’organisation du travail et les méthodes de management autour de la personne qui doivent être repensées, car elles sont excluantes et le taux d’inaptitude explose », analyse Carole Salères, conseillère nationale emploi, travail, formation et ressources à l’association APF France Handicap. Sur le terrain, depuis cinq ans, le handicap est le premier motif de saisine du Défenseur des droits, et l’emploi le premier domaine dans lequel s’exercent ces discriminations. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est certes passé de 19 % en 2017 à 14 % en 2020, mais il reste plus élevé que celui du « tous publics » (9 % contre 8 %). Le taux de chômage de longue durée reste également problématique.

« Il existe un fossé entre la volonté politique et l’accès au droit des personnes sur le terrain », estime Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps, qui appelle à ce que, par exemple, « le principe de l’accessibilité universelle figure dans la Constitution ». Pour le prochain quinquennat, le chantier du handicap – visible ou invisible – et de l’emploi s’annonce considérable.

Cet article a été réalisé à l’occasion de la 3e édition de l’Université du Réseau des référents handicap, organisée par l’Agefiph.

Des conférences et un nouveau podcast
  • Dans le cadre de la 3e édition de l’université du Réseau des référents handicap, organisée les 29 mars et 30 mars à Lille Grand Palais par l’Agefiph, en partenariat avec Le Monde, se tiendra la conférence « Le handicap, catalyseur de dialogue social », le mardi 29 mars de 11 h 30 à 12 h 45, animée par Isabelle Hennebelle (Le Monde). Avec Anne Baltazar (FO), Franck-Yves Beauprez (Auchan Retail France), Cyril Chabanier (CFTC), Dominique du Paty (CPME), François Hommeril (CFE-CGC), Sophie Legrand (Cofidis), Hubert Mongon (Medef), Catherine Perret (CGT), Catherine Pinchaut (CFDT).

Pour suivre toutes les conférences : https://agefiph-universite-rrh.fr/

  • Le Monde, en partenariat avec l’Agefiph, lance le podcast « Rebond, vivre avec le handicap », au rythme d’un épisode par semaine, tous les mardis, à 15 heures, à partir du 29 mars sur Lemonde.fr et les plates-formes d’écoute. Des personnalités concernées par le handicap, personnellement ou par leur entourage, témoignent de leur engagement : Dominique Farrugia, Laëtitia Milot, Grégory Cuilleron, Sophie Cluzel, Fabrice Chanut, Marie-Amélie Le Fur, Krystoff Fluder, Lætitia Bernard, Didier Roche, Charles Gardou.

Production : Joséfa Lopez pour Le Monde. Ecriture et animation : Joséfa Lopez et Isabelle Hennebelle.

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