Quand il a appris qu’il était reçu à l’Ecole du Louvre, Zaïm s’est demandé si cette affaire de grande école d’histoire de l’art était bien raisonnable. Il était alors en terminale à Brest, et sa mère, au chômage, n’avait pas du tout les moyens de lui payer la vie parisienne. Pendant l’été, le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) vient à sa rescousse, mais c’est la douche froide : on lui attribue une chambre de quinze mètres carrés à partager avec un autre locataire, à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). C’était ça ou rien. Bus, RER, métro : depuis la résidence, il faut compter plus d’une heure pour gagner le pavillon de Flore du Louvre, où se situe l’école.
Zaïm allait s’y résoudre, mais, quelques semaines avant la rentrée, coup de théâtre : une place lui est proposée dans la toute nouvelle « maison des élèves » de l’Ecole du Louvre. « On ne va pas se mentir, c’est mieux qu’Epinay », sourit aujourd’hui le Brestois de 18 ans à peine, conscient de sa chance de vivre, depuis septembre 2021, dans un somptueux hôtel particulier du XVIIIe siècle en plein Saint-Germain-des-Prés.
Une quarantaine de jeunes, tous en première année, ont pris leurs quartiers dans ces 1 500 mètres carrés rue de Condé, propriété d’une congrégation de sœurs dominicaines. Celles-ci ont accepté de louer cet édifice historique à l’école pour une somme modique, convaincues par le projet : héberger des étudiants de l’école, primo-arrivants dans la capitale, boursiers ou éloignés de leur famille, afin qu’ils s’intègrent à la vie parisienne dans de bonnes conditions. « On voulait que ces étudiants n’aient pas à faire de très longs trajets et à prendre des jobs à côté, ce que beaucoup faisaient jusqu’ici. Or, cela rend plus difficile leur réussite et creuse les inégalités », explique Claire Barbillon, directrice de cette école qui forme de futurs conservateurs du patrimoine, commissaires-priseurs, médiateurs culturels, archéologues, chargés de programmation dans des musées…
Joueur de clavecin
Rue de Condé, on a sorti le grand jeu. Le rez-de-chaussée, bleu canard dans un esprit Art déco, a été rénové par des artisans du monde du luxe et des designers mécènes. L’hôtel Meurice a fait don de canapés en velours et de fauteuils pour le grand salon, avec piano, sous la verrière. A l’étage, Zaïm partage une chambre avec Timothée, 18 ans, joueur de clavecin et artiste dans l’âme, fils d’un menuisier et d’une esthéticienne de l’Ardèche. Lui souhaite travailler plus tard dans la restauration de châteaux ou d’abbayes. Sa voisine, Jeanne, veut devenir archéologue : elle suit, en plus de l’Ecole du Louvre, des cours de quechua à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), en attendant de connaître « les chantiers de fouilles en Mésoamérique », dit-elle.
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