La révolution Agrifood-Tech dope les embauches de cadres

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – La bonne vieille agriculture bouge. Dans la grande ferme du Salon international de l’agriculture (SIA 2022) qui ouvre ses portes ce 28 février, Cadremploi a repéré pour vous les entreprises de l’Agrifood-Tech, autrement dit les jeunes pousses digitales des industries agro-alimentaires. Elles ont mis du temps à émerger mais elles sont en train de révolutionner nos façons de produire et de se nourrir. Bonne nouvelle pour les cadres : les recrutements y sont en forte hausse, tout comme les salaires. Enquête et témoignages dans cette branche de l’agri-agro nativement digitale, où l’on trouve à boire et à manger mais aussi des postes vachement passionnants.
La révolution Agrifood-Tech dope les embauches de cadres

Ils témoignent

  • Hugues Dumas, dirigeant du cabinet de recrutement spécialisé dans les sciences du vivant Synovivo (150 missions par an)
  • Emmanuel Stanislas, DG de Clémentine, cabinet de conseil en recrutement spécialisé dans les métiers de la transformation digitale (150 recrutements par an)
  • Angélique Garibaldi, consultante en recrutement pour le cabinet Clémentine
  • Jean-Philippe Quérard, président de FoodBiome
  • Mélanie Polizzi, responsable projets de la Ferme digitale, association de 80 entreprises de l’Agrifood-Tech
  • Jim Ramos, DRH chez Agriconomie, un site e-commerce dédié aux agriculteurs
  • Thomas Lemasle, dirigeant de Oé
  • Clarisse Nunez, responsable carrières à la fédération Uniagro

Un secteur qui s’est digitalisé après les autres

Hugues Dumas

La bonne vieille agriculture bouge… « Certes, reconnait Hugues Dumas, dirigeant du cabinet de recrutement spécialisé dans les sciences du vivant Synovivo, l’AgriFood-Tech a mis plus de temps à éclore que dans d’autres secteurs mais, maintenant qu’elle émerge, cela prend une envergure beaucoup plus grande ». Avec des enjeux beaucoup plus importants.

Il ne s’agit plus de digitaliser la vente de vêtements de seconde main ou de « disrupter » la comptabilité, les hôtels de luxe ou les taxis.

Il s'agit de préserver notre planète toute cabossée. Et de nourrir 9 milliards d’individus. D’où des levées de fonds impressionnantes pour transformer l’agriculture en agri-écologie avec des métiers passionnants permettant d’assurer un avenir à nos enfants. D’où des cadres qui s’y précipitent en quête de missions dont ils peuvent être fiers.
Emmanuel Stanislas

C’est un constat d'Emmanuel Stanislas. Ce dernier est un « ancien » de la tech qui s’est spécialisé dans les métiers de la transformation digitale au début du 21e siècle. Autant dire une éternité dans ce secteur. Il réalise 150 recrutements par an dont 10 % concernant la foodtech. « C’est peu mais en plein développement, pose le dirigeant. Le monde agricole s’y met avec retard mais avec grande rapidité. Cette Agrifood-Tech recherche des profils de trafic manager ou e-commerce manager. Elle recrute aussi des spécialistes des données massives comme les datascientists, data engineers ou des Chief digital officers pour transformer les organisations.  Mais aussi des informaticiens pour mettre en place les outils de digitalisation comme les développeurs, product managers et autres product owners. Tout le monde s’y met du très gros industriel à la petite start-up ».

Quels métiers de l’ Agrifood-Tech recrutent ?

L’Agrifood-Tech recrute dans quatre principales familles de métiers :

1- Agrifood-Tech : les métiers du secteur réglementaire recrutent

Ce peut être des responsables ou des chargés des affaires réglementaires, des responsables qualité et affaires réglementaires, des ingénieurs réglementation, homologation ou normalisation.

 

2- Agrifood-Tech : les métiers de l’IT recrutent

Jean-Philippe Quérard

Dans ce secteur comme partout, les employeurs éprouvent beaucoup de difficultés à recruter « des profils de data analyst, UX, Product designers, développeurs…, commente Jean-Philippe Quérard, président de FoodBiome, une entreprise à mission dont le but est de relocaliser les chaines alimentaires via des fermes péri-urbaines, des unités de transformation de proximité… et de porter des start-ups sur ce même domaine. Le plus grand défi pour une start-up de ce secteur est souvent de recruter des cadres qui portent une expertise technique mais aussi une expérience opérationnelle dans la filière ainsi qu’une sensibilité culturelle particulière à l’alimentation ou à l’agriculture ».

 

3- Agrifood-Tech : les métiers techniques

L’Agrifood-Tech recherche des ingénieurs recherche et développement, des experts en robotique et en mécatronique, ou des spécialistes du marketing/développement avec des profils « hybrides ».

Exemple de profils recrutés

Un responsable innovation vient d’être recruté (janvier 2022) dans une entreprise de bio-solutions de 50 salariés à 150 kilomètres de Paris. Le candidat retenu est un ingénieur avec une 1e expérience. Il dispose d’un double diplôme ingénieur agro et un mastère spécialisé en marketing. Son job consistera à digitaliser l’entreprise et à développer de nouvelles technologies. Le patron veut en faire son bras droit. Le candidat retenu a 30 ans et a négocié un salaire de 62 000 euros brut par an avec, en sus, une voiture de fonction.

 

4- Agrifood-Tech : les métiers de la vente

L’agrifood Tech veut vendre et recherche des armées de commerciaux. « Nos membres recrutent en priorité des directeurs commerciaux avec une expérience agricole et des développeurs informatiques, précise Mélanie Polizzi, responsable projets de la « Ferme digitale ». Cette association de 80 entreprises de l’Agrifood-Tech (elle en accueillait 5 au départ en 2016) promeut l’innovation et le numérique pour une agriculture plus performante, plus durable et plus citoyenne. Elle centralise aussi une cinquantaine d’offres d’emploi cadres par mois en provenance de ses membres.

Que penser des salaires dans l’Agrifood-Tech : « pas les meilleurs, pas les pires »

Dans l’agrifood Tech, les salaires commencent à rattraper ceux des autres secteurs.

 

Exemples de salaire chez Agriconomie

Ainsi, chez Agriconomie, un site e-commerce dédié aux agriculteurs, Jim Ramos, le DRH envisage de recruter une quinzaine de cadres en 2022 et donne quelques salaires indicatifs :

  • Un category manager avec une première expérience conséquente chargé des relations avec les fournisseurs, va percevoir de 50 000 à 60 000 euros brut par an.
  • Un responsable grand-compte disposera d’une base fixe de 30 000 à 35 000 euros brut par an avec un variable de 10 000 à 15 000 euros brut en sus par an
  • Un responsable “pays” – car Agriconomie se développe à l’international –  avec un profil plus expérimenté, pourra toucher de 50 000 à 75 000 euros brut par an.

 

Exemple de salaire dans une start-up de l’Agrifood-tech

 Un Product owner orienté CRM vient d’être embauché pour équiper les commerciaux d’un outil de gestion de la relation client. Le salaire proposé avoisine les 50 000 euros brut par an pour une junior disposant de 3 ans d’expérience.

 

Exemple de salaire dans une coopérative

Les plus grandes boites payent aussi très bien. Ainsi, cette coopérative agricole de Bourgogne (3000 salariés) vient d’embaucher un chef de projet data.

Angélique Garibaldi

« Le candidat retenu a 2 ans d’expérience, commente Angélique Garibaldi, consultante en recrutement pour le cabinet Clémentine spécialisé dans les métiers de la tech. Le salaire prévu était de 40 000 à 45 000 euros et le recrutement s’est conclu à 35 000 euros brut par an car un junior a été choisi. On lui a aussi versé 2000 euros de prime d’aménagement et il bénéficie de 2 jours de télétravail par semaine. Sur ce secteur, on propose donc des fourchettes de rémunération correctes par rapport au reste du marché. Ce ne sont pas les meilleurs payeurs, mais pas les pires ».

Pourquoi postuler dans l’Agrifood-Tech ?

L’agrifood-Tech est un secteur qui attire des cadres parce qu’elle répond à des besoins de « quête de sens » et à des envies de mobilité :

« Je rencontre beaucoup de spécialistes de la finance ou du marketing qui veulent rejoindre l’agrifood pour donner du sens à leur vie professionnelle, estime Hugues Dumas, du cabinet de recrutement Synovivo. En plus, l’agriculture offre du travail en dehors des grandes métropoles ».

Thomas Lemasle

« Beaucoup de salariés qui nous rejoignent invoquent des raisons éthiques. Ils cherchent à exercer un métier qui ait un impact positif, opine Thomas Lemasle, dirigeant de Oé (les deux premières lettres d’œnologie), un néo-négociant en vin lyonnais dont le but est de faire « le bien par le bon ». Au programme : 0 % pesticide, vin bio, consigne des bouteilles et incitation à développer la biodiversité dans les vignes avec retour des insectes polinisateurs, plan d’eau, réintroduction des mésanges…

Clarisse Nunez

« L’agrifood-Tech attire particulièrement nos jeunes diplômés, » conclut Clarisse Nunez, responsable carrières à la fédération Uniagro représentant 8 associations d’anciens diplômés des principales écoles d’ingénieurs agronomes de France. Ce service propose quelque 3000 offres par an. « Nos jeunes ingénieurs adorent ces start-up où cela va vite. C’est réactif. C’est agile. On cherche. On se trompe. On avance. On essaye. Il y a une attirance pour des managements horizontaux. C’est le cas dans les start-up mais de plus en plus dans les plus grandes et plus anciennes structures. Tout le monde s’y met et cela va perdurer ».

Le top 50 des start-up de l’Agrifood-Tech

Le DigitalFoodLab, une société de consultants visant à aider l’Agrifood Tech à se développer, vient de publier un classement des 50 premières start-up européennes du secteur. Voici les noms de ces entreprises en plein développement en en plein recrutement, classées par sous-secteur d’activité :

AGTECH (7)

Ynsect

InnovaFeed

Agriconomie

Infarm

Vitibot

Hummingbird Technologies

Tropic Biosciences

FOODSERVICE (9)

Orderbird

Swile

Karma Kitchen

Deliverect

Choco

Winnow

Too Good To Go

Flipdish

Karakuri

COACHING/MEDIA (3)

Chefclub

Lifesum

Vivino

Distribution (3)

Alkemics

Connecting Food

Provenance

Foodscience (13)

Oatly

Feed

Huel

Lactips 

The Protein Brewery

Meatable 

Mosa Meat

Gourmey

Planted Foods

The Meatless Farm

N!ck’s

Formo

Solar Foods

 

Livraison (16)

Dija

Gorillas

Rohlik

Oda 

Matsmart

Picnic 

Everli

Phenix

Wolt

Glovo

Taster

Not So Dark 

Gousto 

Simple Feast

Farmy

Starship Technologies

 

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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