Inégalité des chances et méritocratie : la fin d'une illusion. Avec Monique Dagnaud et Julien Grenet

Les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand rejoignent Affelnet ©AFP - JEAN-PIERRE MULLER
Les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand rejoignent Affelnet ©AFP - JEAN-PIERRE MULLER
Les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand rejoignent Affelnet ©AFP - JEAN-PIERRE MULLER
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Inégalités sociales, inégalités économiques, inégalités des chances… et si tout était déterminé depuis la maternelle ? Pourquoi l’école ne parvient-elle pas à lutter contre les inégalités ?

Avec
  • Monique Dagnaud Sociologue au CNRS, spécialiste des médias, d'internet et de la culture des jeunes. Enseignante à l'EHESS
  • Julien Grenet Économiste, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l'École d'économie de Paris

Pour parler des inégalités des chances de réussite à l’école, on pourrait ne reprendre qu'un indicateur : le classement du Programme international de suivi des acquis des élèves de l'OCDE - dit classement PISA. 

Pour aider les enfants les moins favorisés à réussir, la France fait partie des plus mauvais élèves. 

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Ce n'est pas par manque de bonne volonté, les réformes se suivent et s’enchaînent, du primaire à l'intégration des études supérieures, sans jamais obtenir les félicitations. 

Pour comprendre pourquoi et comment ce problème des inégalités scolaires se pose et se résout, nous recevons ce matin Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherche au CNRS, au Centre d’étude des mouvements sociaux, co-auteure de “Génération des surdiplômés : les 20 % qui transforment la France”, avec Jean-Laurent Cassely (Odile Jacob, 2021) et Julien Grenet, directeur de recherche au CNRS, professeur à l'École d'économie de Paris, directeur adjoint de l’institut des politiques publiques, président du comité de suivi d’Affelnet.

Des inégalités spatiales

Les collèges parisiens sont de loin les plus ségrégués de France. Mais on retrouve aussi les grandes agglomérations urbaines, où sur de petits espaces on retrouve de nombreux établissements, ce qui permet une forme de concurrence. C'est aussi là qu'on retrouve de nombreux établissements privés, qui contribuent massivement à la ségrégation scolaire, souligne Julien Grenet

"L'égalité des chances, c'est le sujet parfait si vous voulez enflammer la nation. Introduisez une réforme pour ouvrir socialement les établissements et voyez. Tout le monde est d'accord. Mais une fois que vous avez établi le consensus autour de cette nécessité, il reste ce que cela produit une réaction très vive chez des familles qui estiment que leur enfant doit aller dans tel ou tel établissement", s'amuse Monique Dagnaud

Monique Dagnaud remarque que l'inégalité des chances nourrit le débat politique depuis des années. Mais ce qui apparaît maintenant, c'est que cette inégalité des chances génère un très fort sentiment d'injustice. "La "tyrannie du diplôme initial" comme on dit, qui fait que le diplôme que vous avez obtenu vers vingt ans va largement déterminer votre parcours, vient se marier à ce sujet. Et la question de la méritocratie scolaire est déplacée vers le thème d'une injustice sociale faite à une partie de la société." 

"Qu'est-ce qu'on entend par mérite ? Si on ne mesure le mérite qu'à l'aune des résultats scolaires, ce qui est assez étroit, effectivement, la méritocratie peut légitimer les inégalités sociales, puisque les origines sociales sont corrélées avec la réussite scolaire", remarque Julien Grenet, qui pointe aussi qu'il existe une autre tradition du mérite, une conception marquée par la philosophie de l'égalité des chances, qui contextualise le principe de mérite, le mérite devenant alors ce qui dépend de l'effort individuel. 

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