La France doit-elle redouter un problème générique pour l’ensemble de son parc nucléaire, principale source d’électricité du pays ? Un phénomène de corrosion – dite « sous contrainte » – préoccupe le secteur depuis plusieurs mois déjà. En cause, des fissures sur des tuyauteries de réacteurs, en particulier sur leur système d’injection de sécurité. Une pièce importante : grâce à de l’eau borée, ce système de sauvegarde a vocation à refroidir le circuit primaire en cas d’accident.
Des contrôles ont déjà détecté des fissures sur cinq réacteurs, entre le second semestre 2021 et le début 2022 : deux à Civaux (Vienne), deux à Chooz (Ardennes) et un à Penly (Seine-Maritime). Le 14 avril, sur son site Internet, le groupe Electricité de France (EDF) a procédé à une discrète mise à jour de la situation. Au moins quatre autres réacteurs pourraient être concernés : à Flamanville (Manche), Golfech (Tarn-et-Garonne), Cattenom (Moselle) et Chinon (Indre-et-Loire). Pour chacun d’eux, un doute subsiste, après des contrôles « par ultrasons sur des portions de tuyauterie », précise la note d’information. Les investigations se poursuivent pour « caractériser la nature et l’origine » de ces indications.
Autrement dit : sous réserve d’une expertise complémentaire, le problème pourrait affecter tous les paliers du parc nucléaire français. C’est déjà le cas pour tous les modèles de 1 450 mégawatts (MW) – ceux de Civaux et Chooz, les plus récents et les plus puissants –, ainsi que pour au moins un réacteur de 1 300 MW – à Penly, en attendant les conclusions pour ceux de Flamanville, Golfech et Cattenom. La question pourrait donc aussi, avec Chinon, s’étendre à la catégorie des réacteurs de 900 MW. Soit celle la plus ancienne et la plus répandue, puisque 32 des 56 réacteurs du parc nucléaire relèvent de cette puissance-là.
« Découpe et expertise en laboratoire »
Les organismes chargés de la sûreté nucléaire en France se gardent de toute conclusion hâtive. « Le résultat du contrôle par ultrasons confirme la nécessité d’aller découper la soudure pour l’expertiser en laboratoire », indique Julien Collet, directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Cette découpe, effectuée par EDF et autorisée par l’ASN, va commencer d’ici à fin avril pour une expertise en laboratoire dont nous aurons les résultats courant mai. »
La présence d’échos révélés par ultrasons ne signifie pas nécessairement l’existence de fissures. « Il est trop tôt pour savoir si tous les réacteurs du parc sont concernés par le phénomène de corrosion sous contrainte », souligne Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. « L’écho peut être lié à de la corrosion sous contrainte, à une particularité de la tuyauterie, ou bien à d’autres types de dégradation », précise M. Collet. « Aujourd’hui, EDF ne dispose pas de dispositif de contrôle non destructif adapté à la corrosion sous contrainte, il est indispensable d’attendre la découpe et l’expertise en laboratoire », ajoute-t-il.
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