Comment Emmanuel Macron compte changer l'école au cours de son deuxième quinquennat
Au-delà de la revalorisation promise aux enseignants, le président réélu veut « changer de méthode », à savoir « décloisonner » l'école et l'ouvrir sur l'extérieur - parents, associations, collectivités et entreprises. Il entend réformer en profondeur le lycée professionnel.
Il faut « décloisonner » l'école en l'ouvrant sur l'extérieur, avait lancé Emmanuel Macron, début mars, à Poissy. « Faire péter ses carcans en l'ouvrant à tout un écosystème », explicitait l'un de ses soutiens, il y a quelques mois. Maintenant qu'il est réélu, Emmanuel Macron compte bien s'attaquer sans tarder à ce « chantier majeur » que constitue pour lui l'éducation. Avec l 'école primaire comme la priorité affichée.
Pour le chef de l'Etat, les savoirs fondamentaux sont « la mission première et il faut déjà que celle-ci soit consolidée ». Mais il veut un « changement de méthode » pour piloter l'Education nationale au plus près du terrain, avec « plus de marge de manoeuvre » accordée aux enseignants et aux directeurs et chefs d'établissement - y compris pour recruter.
Sans changer la loi, mais avec plus de moyens, notamment un fonds de 1 milliard d'euros dédié à l'innovation pédagogique. Emmanuel Macron a promis 12 milliards d'euros par an pour l'éducation et la jeunesse, dont 6 milliards pour les revalorisations salariales.
« Un pacte »
Le « décloisonnement » envisagé doit se faire « avec les familles, les associations et les communes qui s'occupent du périscolaire, parce que faire des Républicains, ça ne commence pas le matin à 9 heures pour s'arrêter à 17 heures, quatre ou cinq jours par semaine », a martelé Emmanuel Macron. Pour le président réélu, qui a en tête l'expérimentation menée à Marseille , « la bataille est là ».
Aux enseignants qui veulent le suivre - son entourage compte sur 30 % d'entre eux -, il a proposé un « pacte » : ceux qui accepteront de faire des formations hors temps scolaire, de remplacer des collègues absents ou de s'engager dans l'aide aux devoirs seront payés davantage, jusqu'à 20 % de plus . Les professeurs en place pourront refuser ce droit d'option. Mais, à partir de la rentrée 2023, les missions élargies seront obligatoires pour tous ceux qui entreront dans la carrière.
Après avoir braqué les enseignants sur le mode du « travailler plus pour gagner plus » , Emmanuel Macron s'est engagé à tous les revaloriser « d'environ 10 % », « de manière inconditionnelle » . « Il n'y aura plus de démarrage de carrière sous 2.000 euros par mois », a-t-il annoncé.
Sur France Inter , le candidat avait évoqué vendredi « une revalorisation du point d'indice à l'été, dans le cadre de négociations fonction publique » puis « une revalorisation portée dans la loi de Finances qui interviendra en janvier de l'année prochaine ».
Pour la grande concertation sur l'école qu'il a promise, les syndicats sont déjà sur leurs gardes. Le principal syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, a déjà appelé à la « mobilisation pour défendre l'école publique et la profession ». Tandis que l'Unsa a mis en garde contre « la poudre de perlimpinpin [qui] fut une méthode, une doctrine, durant cinq années ».
Le code plutôt qu'une deuxième langue
Du côté des élèves, des changements sont à prévoir au primaire, avec plus d'heures de français et de mathématiques, trente minutes supplémentaires de sport par jour, « des rudiments » en matière de numérique, mais avec un volume horaire global inchangé.
A partir de la 5e, les collégiens pourront « choisir le code » au lieu d'apprendre une deuxième langue vivante. « Nous généraliserons l'apprentissage du code et des usages numériques dès la 5e, et nous formerons 400 à 500.000 développeurs et experts informatiques supplémentaires sur le quinquennat », a annoncé Emmanuel Macron au média spécialisé « The Big Whale » .
Une refonte de l'enseignement de technologie
L'ouverture aux entreprises doit aussi conduire à refondre l'enseignement de technologie en une demi-journée hebdomadaire dite « Avenir », composée de numérique et de savoirs manuels et techniques, mais aussi d'interventions de professionnels, de visites d'entreprises (ou de lycées professionnels). L'objectif est de faire de « l'orientation » une priorité.
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A peine réélu, Emmanuel Macron déjà rattrapé par plusieurs urgences
Le rapprochement entre école et entreprise devrait surtout chambouler le lycée professionnel . « On laisse vivre trop de filières où il n'y a quasiment pas de débouchés », a déploré Emmanuel Macron durant la campagne. Il veut « faire entrer davantage les entreprises » dans les lycées professionnels en « s'inspirant » de la réforme de l'apprentissage, et augmenter de 50 % les périodes de stages des lycéens.
Durant ces périodes, ils seraient rémunérés entre 200 et 500 euros par mois selon leur âge. Son équipe de campagne a évoqué « des modernisations à orchestrer du côté de la réorganisation des enseignements professionnels » qui ne devraient pas « attenter aux enseignements généraux ».
Priorité à la 6e et à la seconde
Pour éviter les décrochages, Emmanuel Macron a aussi promis « d'investir » dans les classes charnières que sont la 6e et la seconde avec la possibilité, pour les établissements les plus en difficulté, de « prendre moins d'élèves par classe ou d'avoir des professeurs référents et plus de moyens pour accompagner des élèves décrocheurs ».
Le lycée général et technologique s'attend, lui, à voir la réintroduction des mathématiques pour tous , déjà enclenchée par l'actuel ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer.
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Marie-Christine Corbier