Soupçons de triche dans les concours des écoles de commerce : comment sont surveillés les candidats ?

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Soupçons de triche dans les concours des écoles de commerce : comment sont surveillés les candidats ?

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En plus d'être filmés pendant l'intégralité de l'épreuve, les candidats doivent aussi filmer leur environnement
En plus d'être filmés pendant l'intégralité de l'épreuve, les candidats doivent aussi filmer leur environnement
- capture d'écran

Deux banques de concours aux écoles de commerce post-bac font face à des cas avérés de triche, depuis que les épreuves se font à distance. Des incidents à la marge, selon les organisateurs.

Twitter s'est enflammé ces derniers jours sur des cas de triche aux concours des écoles de commerce. Deux concours communs ont eu lieu récemment pour accéder à plus d'une quinzaine d'écoles prestigieuses : les concours Sésame et Accès. Les épreuves se sont déroulées à distance. Or certains témoignages ont fait état de nombreux cas de triche. Des élèves et des parents se sont alarmés de la perte de valeur de ces concours. Aujourd'hui, les organisateurs répondent : oui, il y a eu des cas de fraude, mais de façon très marginale. Ils mettent en avant les outils de surveillance à distance qui permettent de traquer les resquilleurs et de les bannir des concours à venir. Explications.

Le son et l'image enregistrés pendant l'intégralité des épreuves

Depuis l'épidémie de Covid, les écoles de commerce font passer leurs concours à distance. Plus économique pour les candidats, pas de frais de transports, ni d'hébergement, plus accessible pour les postulants des zones rurales, de l'étranger ou de l'outre-mer (15% des candidats au concours Sésame se situent en dehors de la métropole), la formule à distance s'est imposée.

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Mais est-elle aussi sûre qu'une passation des épreuves en présentiel ? Thomas Lagathu, le directeur du concours Sésame, explique, démonstration à l'appui, que des précautions sont prises. La procédure est stricte : "Avant le démarrage de l'épreuve, les candidats doivent filmer l'intégralité de leur environnement de travail : leur bureau dessus, dessous. Ils doivent également filmer leurs oreilles. Ensuite, ils sont enregistrés, son et image, pendant l'intégralité des six heures d'épreuves", détaille-t-il. "Puis on analyse tout cela dans le détail pour repérer des cas d'utilisation du téléphone, des cas de personnes qui se font aider par d'autres, parce qu'on les entend parler ou chuchoter très bas avec des gens qui leur donnent des réponses, on a aussi des cas d'échanges de documents."

L'ensemble des 60.000 vidéos et des 52 millions d'images est analysé par un logiciel. Le candidat est pris en photo toutes les cinq secondes. Chaque mouvement anormal est détecté. Chaque bruit également : un téléphone qui vibre, une deuxième voix ou même un stylo qui tombe. Ce son apparaît en rouge sur l'écran.

Un millier de vidéos suspectes, 40 cas de fraude avérée pour le concours Sésame

Le logiciel a ainsi décelé environ 1.000 vidéos suspectes qui ont ensuite été analysées une par une, par une équipe de 200 personnes pendant une semaine à temps plein. "Lorsqu'un mouvement suspect correspond à un bruit suspect, nous cherchons à comprendre ce qui s'est passé. Le but est de statuer au cas par cas", confie Thomas Lagathu.

Environ 73 cas sont remontés au niveau du Conseil de discipline la semaine dernière. Nous avons pu établir 40 cas de fraude qui ne pouvaient pas être contestés.

Sur 11.600 candidats, cela représente 0,34% cas de fraude. "Ce n'est pas anecdotique parce que c'est un fait grave", juge Thomas Lagathu. "Mais ce n'est pas non plus massif." Un taux de 0,38% de fraude également pour une autre banque de concours, le concours Accès, qui permet d'entrer dans trois écoles de commerce, l’Iéseg, l'Essca et l'Esdes. Les 6.800 candidats ont eu les résultats d'admissibilité la semaine dernière.

Des parades pour limiter la triche

Céline Verdrière, l'une des responsables du concours Accès pour l'Iéseg, témoigne aussi d'une procédure très sécurisée : "Les candidats utilisent un ordinateur pour se connecter à une plateforme d'examen virtuel sécurisée et surveillée en temps réel par des équipes. Le candidat ne peut plus avoir accès à internet, ni à ses dossiers personnels, c'est un système qui verrouille l'ensemble du dispositif informatique. Plus de 400 personnes surveillent en temps réel l'ensemble des candidats et les vidéos sont enregistrées en même temps pour qu'on puisse revisionner si on a des suspicions de fraude."

Quand on voit qu'il y a un comportement suspect d'un candidat, il est contacté via un chat sécurisé. Il reçoit tout de suite un message qui s'affiche sur son écran et qui lui dit 'faites attention, vous êtes hors cadre, ou vous portez une casquette et on n'a pas le droit de porter un couvre-chef ou vous êtes à deux dans la pièce.

En tout, explique-t-elle, 200 cas suspects ont été visionnés, pour 27 cas de fraude avérée. Parmi ces candidats, 80% n'étaient de toute façon pas admissibles. Ceux qui l'étaient ont quant à eux été définitivement exclus du concours.

Le concours Accès a aussi des parades pour limiter la triche. "On a aussi modifié un peu le contenu de nos épreuves, le format et surtout la durée, parce qu'on sait qu'on aura des petits malins qui vont essayer de tricher mais quand on essaie de tricher, on perd du temps", explique Céline Verdrière. "On a donc réduit le temps des épreuves. On a aussi présenté les questions de manière aléatoire donc il y a un candidat qui va avoir la question 1 en premier, l'autre va avoir la question 14, un autre encore va avoir la question 28, ils ne peuvent pas le faire à plusieurs."

Adéquation avec le dossier Parcoursup

Christelle Garon, directrice du développement et de la communication du concours Sésame, n'est pas vraiment surprise de la polémique autour de la triche. "Même en présentiel, on avait aussi des cas de fraudes qu'on a toujours gérés. Cela fait partie des concours. ll n'y a pas de rempart absolu contre la triche. Mais on a un élément supplémentaire qui nous permet de vérifier, ce sont les dossiers Parcoursup. On a le niveau réel des élèves et donc on est capable de comparer. S'il y a vraiment un écart très important entre les notes de concours et les notes de l'élève obtenues pendant deux ans, on peut légitimement se poser des questions sur sa fraude, d'autant plus s'il a un comportement suspect sur les vidéos".

Le jury du concours Accès examine lui aussi le dossier Parcoursup : "Avec tous ces indicateurs, on est assez sereins, on a une cohérence entre ce qu'ils ont fait au lycée et ce qu'ils nous montrent, et les épreuves orales vont pouvoir confirmer cette adéquation", estime Céline Verdrière, de l'Iéseg.

Le concours Sésame a publié mardi après-midi la liste des candidats admissibles qui devront passer un oral. Les entretiens se dérouleront, en présentiel cette fois-ci, dans les 14 écoles de commerce concernées. Seuls les candidats à l'étranger les passeront à distance. Mais 40 candidats, les 40 fraudeurs, vont recevoir ce mercredi ou jeudi un courrier les informant qu'ils ne pourront plus passer un concours pour une école de commerce. Ils peuvent aussi écoper de sanctions plus lourdes : jusqu'à 5 ans d'interdiction de passer un examen national.

"On va leur expliquer qu'une fraude a été détectée au cours de leurs épreuves écrites", précise Thomas Lagathu. "Ils vont être exclus du concours Sésame. Ces candidats sont blacklistés pour des études en école de management. Nous faisons également un rappel à la loi, il faut qu'ils sachent qu'il y a tout un panel sanctions applicables, cela commence par 0 à une matière, 0 à toutes les matières, et ensuite cela peut aller plus loin avec interdiction de passer des examens jusqu'à cinq ans, interdiction de s'inscrire dans l'enseignement supérieur pendant cinq ans également. Et l'étape suivante, c'est le tribunal correctionnel et dans ces cas-là, la loi est très claire : on peut aller jusqu'à 9.000€ d'amende et trois ans d'emprisonnement pour fraude à un examen national".

Pour les écoles de commerce, cette polémique ne remet pas en cause le principe d'épreuves écrites à distance. "Il y a des gens qui ne peuvent pas s'empêcher de s'imaginer qu'en trichant, ils vont se donner plus de chances, alors que c'est exactement le contraire, ils prennent de très gros risques tout à fait inutiles !", conclut Thomas Lagathu.

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