Chaque mercredi, Michèle Lori, 86 ans, ne rate sous aucun prétexte le marché hebdomadaire de la Cité maraîchère de Romainville (Seine-Saint-Denis). « J’habite au bout de la rue, cité Marcel-Cachin, depuis soixante ans. J’attendais l’ouverture de ce lieu avec impatience. J’ai même une truelle au nom de la Cité maraîchère, poursuit la dynamique octogénaire, flanquée de son cabas en jute, dans lequel elle glisse endives, pleurotes, shiitakés et salade. Ici, c’est convivial, on y rencontre du monde et les légumes sont bons et très frais. » A sa voisine, Nebia Gherras, 72 ans, que Michèle a motivée à sortir cet après-midi, elle demande : « Tu viens faire le compost samedi ? » « Je ne l’ai encore jamais fait, mais je vais m’y mettre ! », répond Nebia.
Ouverte à l’été 2021, la Cité maraîchère de Romainville est un lieu public hybride, à la fois serre horticole, dont la production est vendue à des tarifs modulés selon le quotient familial (jusqu’à – 75 %), espace de sensibilisation, chantier d’insertion, café cantine… L’originalité de cet espace tient à ses usages multiples, mais aussi à sa conception : les légumes poussent sous une grande verrière, comme dans une serre, mais sur plusieurs niveaux, six étages dans deux tours modernes.
Ici se pratique une forme d’agriculture verticale, terme générique qui désigne des systèmes de production variés – en tour, en sous-sols ou en entrepôt, avec ou sans lumière naturelle –, qui ont pour point commun d’être pratiqués sur plusieurs niveaux étagés de culture. Alors que, en 2050, près de 70 % de la population mondiale vivra en ville, l’agriculture verticale, dont l’emprise au sol est réduite, est présentée par ses promoteurs comme une solution à la pression sur les terres. Mais ce modèle compte aussi ses détracteurs, qui le considèrent au choix comme un gadget, coûteux et, pour les cas les plus « high-tech », trop gourmands en énergie.
Amener de la nature en ville
A Romainville, la Cité maraîchère est plutôt « low-tech ». L’intention n’est pas de produire massivement, mais d’amener de la nature en ville. Voulu et pensé par l’ancienne maire, Corinne Valls (divers gauche), le projet de tour maraîchère était, lors du changement d’équipe municipale, en 2020, « le gros boulet de la nouvelle mandature » en raison du coût du chantier, 8 millions d’euros. La nouvelle équipe en a revu les ambitions, créant une régie municipale et renforçant sa dimension sociale et éducative.
« Avant d’être un lieu de production, on est un lieu de démonstration et de vie, dans un quartier politique de la ville », décrit Yuna Conan, directrice de la Cité. Le site emploie quinze personnes en insertion, ainsi que les encadrants, et a distribué quelque 240 cartes d’adhérents aux habitants de la ville, dont un tiers correspond au tarif le plus bas.
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