Sécurité dans les transports : les agents de la Sûreté ferroviaire demandent au ministre davantage de pouvoirs

Palpations de sécurité, inspection des bagages, contrôle d’identité avec les fichiers de la police... ils ont détaillé leurs doléances à Jean-Baptiste Djebbari lors de sa visite ce jeudi à la gare de Villeneuve-Triage (Val-de-Marne), le long du RER D.

Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. A la gare de Villeneuve-Triage, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari salue l'une des rares membres féminines de la Sûreté ferroviaire de la SNCF, le service chargé de sécuriser les gares, trains et RER. LP/Marine Legrand
Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. A la gare de Villeneuve-Triage, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari salue l'une des rares membres féminines de la Sûreté ferroviaire de la SNCF, le service chargé de sécuriser les gares, trains et RER. LP/Marine Legrand

    Le ministre endosse le gilet tactique pare-balles des agents de la Sûreté ferroviaire de la SNCF. « Ça pèse un sacré poids… », souffle Jean-Baptiste Djebbari, impressionné. « Imaginez quand on doit courir avec pour attraper un individu », souligne Malik, agent opérationnel du service à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).

    Lui et ses collègues font partie des 2 800 agents chargés de sécuriser les gares et les lignes de train de la SNCF, dont les RER en Île-de-France. Ce jeudi matin, à la station Villeneuve Triage (RER D), une délégation a pu rencontrer le ministre des Transports, invité par le député Laurent Saint-Martin (LREM) qui se représente, et lui expliquer les limites de leurs actions sur le terrain à cause des textes de loi et de leur statut. Un enjeu majeur puisque la délinquance ferroviaire est concentrée à 60 % dans la région, selon l’enquête EVSI de 2020.



    « Beaucoup d’armes circulent sur la ligne D par exemple, constatent les responsables de la Sûreté ferroviaire. Rien que l’antenne de Villeneuve Triage a enregistré 40 interpellations pour port d’arme prohibée en 2021 et 13 en janvier 2022, où nous avons trouvé couteaux papillon, diffuseur lacrymogène, matraque télescopique, poing américain, Taser… »

    Obligés de relâcher des voyageurs armés

    Problème : si le passager refuse la palpation de sécurité ou l’inspection de son bagage, l’agent ne peut pas l’y forcer. « Nous pouvons juste le contraindre à quitter le train ou la gare et aviser l’officier de police judiciaire. Un individu porteur d’armes peut donc quitter librement les lieux, toujours en possession d’objets dangereux. » C’est pourquoi ils demandent aujourd’hui le droit de retenir sur place le voyageur suspect dans l’attente de la réponse de l’OPJ.

    Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. Le ministre a essayé un gilet tactique des agents de la Sûreté ferroviaire. LP/Marine Legrand
    Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. Le ministre a essayé un gilet tactique des agents de la Sûreté ferroviaire. LP/Marine Legrand

    Même difficulté pour contrôler une identité. La personne peut refuser. Les agents doivent alors faire venir les forces de l’ordre. « Et nous n’avons droit d’accéder à aucun fichier pour vérifier si l’individu est recherché, s’il a des antécédents judiciaires, etc. » Leur poste de commandement de la Sûreté ferroviaire, en lien constant avec la police, pourrait effectuer cette vérification à distance, proposent-ils.

    Faire évoluer la loi Savary ?

    Autre souhait, être équipé de davantage d’armes non létales, à savoir des pistolets à impulsion électrique (Taser) et des lanceurs de balle de défense (LBD). Objectif : mieux réagir face aux armes blanches, aux rixes et attroupements.



    Ils regrettent aussi que le gyrophare de leurs véhicules ne les autorise pas à griller les feux rouges en cas d’intervention urgence ou d’incidents majeurs. « Cela nous fait perdre un temps précieux », regrette un agent. Obtenir la qualification de « véhicule d’intérêt général prioritaire » réduirait « grandement » ce délai.

    Enfin, « si quelqu’un dépose plainte contre nous, dans le cadre personnel ou professionnel, nous pouvons être écartés du service car nous serions alors inscrits sur un fichier de police. Sans même être condamné ! À titre de comparaison, un fonctionnaire de police ayant fait l’objet d’un rappel à la loi peut continuer d’exercer sa profession. »

    Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. Les agents ont remis un rapport argumenté à Jean-Baptiste Djebbari (au centre) et au député Laurent Saint-Martin (à sa g.). LP/Marine Legrand
    Villeneuve-Saint-Georges, jeudi 5 mai 2022. Les agents ont remis un rapport argumenté à Jean-Baptiste Djebbari (au centre) et au député Laurent Saint-Martin (à sa g.). LP/Marine Legrand

    Côté voyageurs, Djale ne souhaite pas que ces « vigiles du train » obtiennent davantage de pouvoir : « Chacun son rôle, il y a les agents de la SNCF d’un côté et la police et l’autre ». « Moi, ça me rassurerait », estime au contraire Éric, qui songe notamment à la possibilité de retirer les armes en circulation dans les RER.

    Le ministre a écouté religieusement les doléances et compris le ressenti des agents, qui lui ont remis un rapport ainsi qu’au député et à un sénateur. Mais très vite, la commissaire de police de Villeneuve-Saint-Georges a rappelé l’origine de ces blocages : le code de procédure pénale et la loi Savary votée en 2016. Les faire évoluer ? Le personnel de la sûreté ferroviaire se prend à rêver. Ils savent le ministre sur le départ mais peu importe : « Si on ne le demande pas, qui le fera ? »