« Vous montrerez que l’innovation peut aider à repousser les limites écologiques de la croissance », que « l’action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale peut avoir des effets pervers » ou encore que « l’approche en termes de classes sociales pour rendre compte de la société française peut être remise en cause » : voici, entre autres, les questions sur lesquelles les candidats de spécialité sciences économiques et sociales (SES) du bac 2022 ont été invités à plancher, le 12 mai 2022. Des questions qui ont fait bondir les internautes, qui leur reprochent une orientation « libérale ».
L’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) a immédiatement réagi sur Twitter, pour exprimer sa lassitude, et non sa surprise : selon l’association, les sujets du bac 2022 sont une conséquence de la réforme du « bac Blanquer » et de ses programmes « peu problématisés » et « non pluralistes ».
Le débat sur les sujets du bac 2022 – première « vraie » session du « bac Blanquer », après deux années perturbées par le Covid – vient en effet de loin. Dès 2018, les enseignants ont reproché au nouveau programme de 1re (celui de terminale a été publié dans un second temps) de faire la part belle à l’économie de marché, à la microéconomie et au cloisonnement disciplinaire – l’économie d’un côté, les sciences sociales de l’autre.
« Auparavant, notre discipline était transverse, avec un programme par objets, comme l’emploi ou la croissance, se souvient Camille Aymard, membre du bureau national de l’Apses et professeure de SES à Paimpol (Côtes-d’Armor). On traitait ces thématiques avec les apports de l’économie, de la sociologie et des sciences politiques, et cela permettait d’avoir une vision complexe et réaliste des sujets. » Pour l’enseignante, c’est surtout la question sur l’écologie et la croissance qui pose problème dans le sujet du bac 2022, en ce qu’elle ne permet pas d’imaginer d’autre issue que « l’innovation ». « Cela renvoie directement au programme, où la question écologique n’est présentée que comme une limite de la croissance. On n’y évoque ni la décroissance ni la résilience ni même d’ailleurs le capitalisme comme étant responsable de l’épuisement des ressources naturelles », s’agace l’enseignante.
Une épreuve simplifiée
Les autres questions du sujet 2022 – celle sur les classes sociales et celle sur le travail – sont moins problématiques aux yeux des enseignants de SES. « Nous posons la question des classes sociales en cours, en montrant les limites du concept, qui sont réelles et font débat dans la communauté scientifique », rappelle Solène Pichardie, présidente de l’Apses. Le problème n’est donc pas de demander aux élèves de détailler ces limites, mais de présenter les choses dans un seul sens. Ainsi, c’est surtout la tournure de la question s’ouvrant par « Montrez que… », qui a interpellé les internautes, laissant penser que les élèves n’avaient appris à maîtriser, et donc à restituer, qu’une seule vision du sujet.
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