«Il n’y avait vraiment personne» : avec le télétravail, la grande solitude des stagiaires

Le travail à distance entre dans les habitudes de nombreux salariés. Mais les jeunes qui font leurs premiers pas dans l’entreprise, eux, continuent de se rendre au bureau. Pour certains, l’isolement est pesant.

En fin de semaine, notamment, certains stagiaires peuvent se retrouver seuls dans des bureaux désertés par leurs collègues qui travaillent de chez eux. Illustration. Emma Guizot
En fin de semaine, notamment, certains stagiaires peuvent se retrouver seuls dans des bureaux désertés par leurs collègues qui travaillent de chez eux. Illustration. Emma Guizot

    Ils pourraient presque entendre les mouches voler. Seuls au bureau, les stagiaires travaillent silencieusement dans leur coin quand leurs collègues sont en télétravail. Pour ces jeunes qui débutent leur carrière dans de grandes entreprises, les discussions à la machine à café ou à la cantine sont des moments plutôt rares.

    Avant de commencer son stage dans le Groupe ADP, anciennement Aéroports de Paris, Julia (tous les prénoms ont été changés) ne s’imaginait pas travailler dans des bureaux vides. « Un vendredi, je me suis retrouvée dans notre open space complètement seule. Cette grande salle vide, avec ses longs couloirs, c’était impressionnant. Il n’y avait vraiment personne. » Car, en fin de semaine, ses collègues optent tous pour le travail à distance ; au grand dam de cette étudiante en droit.

    « Au bout de deux semaines, je n’avais pas rencontré tous les gens de mon service »

    Pour les élèves en fin de cursus, le stage en entreprise est un moment clé. « C’est l’occasion de se confronter aux codes internes, explique Marylène Janmot, directrice adjointe de la direction de la formation et de la réussite de l’université Paris-Saclay. Le travail en équipe, les règles, horaires ou habitudes vestimentaires en font partie. » Pour obtenir ces codes implicites, il vaut mieux être en immersion complète avec des collègues sur place. Ce qui n’est pas toujours évident.

    « Au bout de deux semaines, je n’avais pas rencontré tous les gens de mon service », se souvient Valentin. En stage à l’Arcom (ex-Conseil supérieur de l’audiovisuel), l’étudiant hésite entre refaire un master ou trouver un emploi dans l’audiovisuel. « J’aimerais apprendre plus de l’expérience de mes collègues pour choisir ma voie », confie-t-il.

    Difficile, donc, de mettre un premier pied dans un monde du travail transformé par le Covid-19. « Je ressens souvent une solitude au bureau. Je croyais que la fin de la pandémie allait faire revenir les gens, mais ce n’est pas le cas », déplore Marie, stagiaire à EDF. Patrice Risch, directeur de l’emploi du groupe, s’en étonne. « Lorsque le Covid nous est tombé sur la tête, on a eu des difficultés. Mais le télétravail n’est plus un obstacle aujourd’hui, on l’a incorporé dans notre dispositif d’intégration. »

    À EDF, les 3 500 stagiaires ont à leur disposition un tuteur, un correspondant RH et un site intranet qui leur permet « d’obtenir tous les conseils dont ils ont besoin et de s’exprimer ». Marie, elle, attend plus de son expérience. « Pour moi, le monde de l’entreprise c’est surtout les petits moments à côté du travail. Et pour ça, il faut rencontrer tout le monde pour de vrai. »