Joe Biden regarde, l’air absorbé, un ouvrier assemblant le redoutable Javelin. Ce mardi 3 mai, le président des Etats-Unis visite l’usine Lockheed Martin de Troy (Alabama), qui fabrique ce lance-missiles antichar devenu le symbole de la résistance ukrainienne à l’armée russe. A la tribune où il prononce son discours, des panneaux vantant le « made in America » voisinent avec des inscriptions proclamant « Standing with Ukraine » (« aux côtés de l’Ukraine »). Imagine-t-on Emmanuel Macron se rendant à Bourges (Cher), chez le fabricant de canons Nexter ou le missilier européen MBDA ?
La France, inquiète d’une possible escalade militaire, est bien plus mesurée dans son aide aux Ukrainiens. Le chef de l’Etat a fini par admettre, le 22 avril, dans un entretien à Ouest-France, que le pays livrait à Kiev des canons Caesar de 155 millimètres, capables de tirer six coups par minute jusqu’à 40 kilomètres, des missiles antichar Milan et, selon l’Elysée, d’« autres armements ». Très loin de la centaine de canons tractés M777 américains de 155 millimètres envoyés par Washington avec les centaines de milliers d’obus pour les alimenter.
La livraison de seulement 6 à 12 canons Caesar illustre aussi la contrainte qui pèse sur l’industrie française de défense. Ces pièces seront, en effet, prélevées sur les 76 Caesar en service dans l’armée de terre, qui prévoit d’en avoir 109 dans dix ans (neufs ou modernisés). L’usine de Bourges, qui produit le canon monté à Roanne (Loire) sur un véhicule Arquus, doit aussi répondre aux commandes étrangères de la République tchèque, du Danemark, du Maroc et, dernièrement, de la Belgique, qui resserre sa coopération avec les forces françaises.
« Les industriels peuvent monter en cadence »
Pour l’heure, il n’y a pas de hausse de production liée à l’Ukraine, disent les industriels. Laurent Monzauge, chef de l’établissement Nexter de Bourges, précise que « la production actuelle de 150 à 200 canons par an pourrait passer à 300 ». Non sans difficultés. Il faut dix-huit mois pour fabriquer un Caesar complet en temps normal et plus de deux ans aujourd’hui, en raison des difficultés d’approvisionnement en métaux et en composants électroniques. « Jusqu’à présent, nous avions une relative certitude de livraison des matériels », ajoute un autre dirigeant de Nexter, en soulignant que « les fournisseurs de matériaux et de composants exigent une réponse très rapide » dans un contexte d’envolée des prix.
Constat identique du PDG de MBDA, le deuxième missilier mondial (derrière l’américain Raytheon Technologies), formé d’Airbus, de BAE Systems et de Leonardo. « On verra au cours de [2022] s’il y aura des conséquences, avance Eric Béranger. L’industrie s’adaptera en fonction de ce qu’on lui demandera. » Quant aux délais de mobilisation de l’outil industriel, « ils dépendent des moyens qu’on y met ».
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