Certains ont quitté l’Ukraine aux premières heures de l’offensive russe et ont déjà, derrière eux, de deux à trois mois de scolarisation sur le sol français. D’autres, fraîchement débarqués de Kiev ou d’Odessa, trouvent tout juste leur place à l’école, en collège ou au lycée. Tous, âgés de 3 ans à 16 ans – l’âge, en France, de la scolarité obligatoire –, font l’objet d’un recensement régulier : en date du 24 mai, l’éducation nationale avait déjà pu accueillir 17 677 enfants et adolescents ukrainiens sur ses bancs.
La hausse est régulière, explique-t-on au sein de la « cellule Ukraine », installée, début mars, au ministère de l’éducation. « Ce sont entre 900 et 1 200 élèves qu’il nous faut intégrer chaque semaine depuis le début de cette crise », chiffre Amélie Miermont, de la direction générale de l’enseignement scolaire. Un flux à relativiser au regard des 70 000 jeunes allophones – dont la langue maternelle n’est pas le français –, toutes origines confondues, comptabilisés à l’école. Mais le rythme actuel est inédit : « Jamais l’éducation nationale n’a vu venir à elle autant de jeunes exilés sur un temps aussi resserré », reconnaît Rachel-Marie Pradeilles-Duval, l’une des pilotes de la « cellule Ukraine ».
De « temps », de « calendrier », il est aussi beaucoup question, à quelques semaines de la fin de l’année scolaire, dans les cercles d’enseignants. « A ce stade, il est difficile de penser la scolarité de ces enfants sur le temps long, rapporte Sophie Vénétitay, du syndicat SNES-FSU. Que se passera-t-il, pour eux, en septembre ? Qui retrouvera-t-on à la rentrée ? C’est la grande question qui remonte du terrain. » « Avec septembre viendra le moment de clarifier la stratégie d’accueil et de scolarisation, relève, dans la même veine, Catherine Nave-Bekhti, du SGEN-CFDT. C’est une des premières missions du nouveau ministre de l’éducation et de son cabinet que de penser l’accueil pérenne de ces enfants dans les classes, autrement qu’au jour le jour et dans l’urgence. »
« Des enseignants qualifiés »
Se projeter : c’est la difficulté que partagent, à ce stade, les enseignants… comme les élèves. Et elle peut être source de tensions, y compris dans les plus jeunes classes, rapporte l’enseignante Catherine Darenne, qui prend en charge, à Avallon (Yonne), un groupe de cinq enfants, âgés de 7 à 11 ans, qu’elle sort de leurs sections respectives (CE2 et CM2) deux matinées par semaine pour leur dispenser des cours de soutien en français. « Tout récemment, Martin, le plus âgé, a manifesté son envie de revenir en Ukraine. Les jumelles Vlada et Valeria, 8 ans, ont annoncé qu’elles voulaient rester en France “pour toujours”. Lilia, 8 ans elle aussi, s’est fermée, elle semble tiraillée (…). L’absence des papas et l’absence, plus générale, de nouvelles de tous leurs proches restés en Ukraine impactent fortement ces enfants », rapporte la professeure chevronnée.
Il vous reste 68.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.