Le gros monospace un peu futuriste roule sur une départementale puis s'engage sur une voie de chemin de fer et poursuit son chemin jusqu'à la gare voisine. Baptisé Flexy, ce prototype rail-route électrique doté de roues hybrides et de neuf places est encore à l'état d'image de synthèse au service Innovation de la SNCF, mais pourrait embarquer des passagers dès 2026. Développé dans le cadre d'un consortium regroupant Milla Group, Michelin et l'institut de recherche technologique Railenium, ce projet, qui devrait être testé en Nouvelle-Aquitaine, fait partie des programmes de développement de "trains légers" menés par la compagnie publique dans le cadre du plan gouvernemental France 2030 et son volet sur la revitalisation des petites lignes ferrées.
En 2018, le rapport de Jean-Cyril Spinetta, l'ex-patron d'Air France, pointait le milliard d'euros annuel dédié à l'exploitation et à la maintenance des 12.000 kilomètres de petites lignes, où circulent moins de 2% des voyageurs. Depuis, tout le monde cherche des solutions pour éviter leur disparition. "Le choix d'utiliser un matériel plus léger et plus modulable est une bonne piste pour s'adapter à des taux de remplissage trop faibles pour être rentable", estime Cyril Faure du cabinet de conseil Bartle.
"De la gare à l'usine"
A Montval-sur-Loir (Sarthe), la SNCF teste un système de navettes électriques avec conducteur qui récupèrent les voyageurs des villes inaccessibles en transport en commun. "Cela préfigure ce que pourrait faire Flexy, en allant de la gare jusqu'à l'usine ou l'hôpital , explique Carole Desnost, la directrice technologies, innovation et projets de la SNCF. Dans les zones où il n'existe guère d'autres solutions que la voiture, ces innovations proposeront une offre plus adaptée et moins coûteuse", assure-t-elle. C'est bien l'enjeu, au moment où le PDG du groupe Jean-Pierre Farandou veut doubler le nombre de voyageurs en dix ans.
"Jouer la complémentarité"
Pour augmenter les fréquences de service et diminuer l'usure des rails, la SNCF planche aussi sur la conception de matériel roulant uniquement sur rail, mais bien plus léger que les trains régionaux. La navette Draizy est un petit train de 80 places, doté de batteries électriques, capable de parcourir une centaine de kilomètres à 100 km/h. Légère, elle coûte 60% moins cher en exploitation par passager et par kilomètre qu'un TER classique. Un peu plus gros, les trains TLI, conçus par Alstom et l'espagnol CAF, d'une centaine de places, pourront, eux, rouler sur le réseau national. Les deux premiers projets étant dédiés aux lignes secondaires, à faible trafic. Selon Carole Desnost, "l'intérêt sera de jouer la complémentarité entre ces nouveaux modes de transport. Au lieu de faire rouler un TER Régiolis actuel de 200 places sur une ligne peu fréquentée, on pourra faire circuler deux trains TLI ou quatre navettes Draisy. Avec plus d'offres dans la journée".
La mise en exploitation de ces deux types de transport est prévue en 2027 et 2029. Pour mener à bien ses projets, la SNCF dispose d'un budget annuel de 100 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les investissements de ses partenaires. Une enveloppe de 95 millions est consacrée aux TLI, dont 25 à 30 millions proviennent du groupe ferroviaire. Gare toutefois à ne pas proposer des solutions "au rabais" , s'inquiète Michel Quidort. Pour le vice-président de la Fédération nationale des usagers du transport, ces trains innovants ne devront pas se déployer aux dépens du confort des voyageurs, sans services ni toilettes, ou même sans personnel à bord.