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Économie

L’industrie française cherche le bon dosage pour sa relance

Une étude publiée à l'occasion du salon Global industrie, qui s'ouvre le 17 mai, souligne que l'accroissement sans fin des subventions publiques ne sera pas la martingale pour la réindustrialisation. Selon PwC, l’engagement des entreprises, depuis les grands groupes jusqu'aux PME, est indispensable.

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Le groupe ArcelorMittal a promis d'investir 1,7 milliard d'euros pour passer à l'acier vert, mais avec des aides publiques à hauteur de 50%.

F. Lo Presti/AFP

Voici une étude sur laquelle l’Elysée et Matignon se pencheront avec intérêt pour leur nouveau mandat. Publiée par PwC, elle souligne combien le nouvel exécutif devra se montrer aussi déterminé qu’inventif, tout au long du quinquennat, s’il souhaite redonner à la France son rang de puissance industrielle. En effet, même en accumulant les 29,3 milliards d’euros promis à l’outil productif par le plan de Relance post-Covid et par France 2030, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB ne ferait que passer de 10,1% en 2019 à 12% en 2030. Certes, ce regain participerait activement à réduire le chômage, avec 431.000 créations d’emploi prévues à terme, en particulier dans l’électronique. Le chiffre donnera quelques frissons dans les allées du salon Global industrie, qui se déroule du 17 mai au 20 mai à Paris Nord-Villepinte, puisque les industriels peinent déjà à recruter, avec 70.000 emplois non pourvus.

Pourtant, même avec cette reprise, l’industrie tricolore resterait à la traîne dans l’Union européenne, où les usines produisent en moyenne 16% du PIB. “Difficile de penser que les pouvoirs publics veuillent rester en deçà de cette moyenne, même si les plans présentés jusqu’alors en France se gardent d’avancer le moindre objectif chiffré”, pointe Olivier Lluansi, associé chez PwC et auteur de Vers la renaissance industrielle, avec Anaïs Voy-Gillis.

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Déverser davantage de subventions n’apparaît pas comme la bonne solution pour consolider la réindustrialisation. “Les aides ne sont pas le premier critère pour déclencher l’investissement, jure le délégué général d’une fédération patronale. Ils attendent des améliorations en matière de compétitivité, par exemple avec la baisse des impôts de production”.

La balle est dans le camp des entreprises

Si les financements publics ont donc leur limite, la balle dans le camp des entreprises pour accentuer le rebond. PwC a travaillé sur un scénario selon lequel les industriels sortiraient de leur poche quatre euros pour chaque euro public perçu. La richesse générée par l’industrie manufacturière s’accroîtrait alors de 90 milliards d’euros par an d’ici à 2030 et plus d’un demi-million d’emplois verraient le jour autour des nouvelles lignes de production. Quelques exemples montrent qu’un tel engagement du privé peut exister. La méga-usine de batteries électriques d’ACC, portée par Stellantis, Saft et Mercedes Benz, table ainsi sur 5 milliards d’euros d’investissement dont un quart proviendrait de financements publics.

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Cette relative sobriété dans la consommation de fonds publics est également le fait d’ETI solidement implantées en France, comme la société familiale Atlantic. Le groupe spécialisé dans les systèmes de chauffage investit 4,3 millions d’euros dans l’extension de son site historique de La Roche-sur-Yon, dont 800.000 euros proviennent de France Relance. Objectif: renforcer sa production, en propre, de précieuses cartes électroniques de 4 à 6 millions d’unités par an d’ici à 2024. La société vendéenne a même décidé d’investir 50 millions d’euros de manière autonome pour doubler la production de ses modèles thermodynamiques, plus économes en énergie.

Toutefois, ce scénario décrit comme “offensif” par PwC, avec un engagement massif des entreprises, ne semble guère réaliste à grande échelle. “Il faudrait une mobilisation décisive des grands groupes, relève un bon connaisseur de l’industrie. Or ces derniers manquent trop souvent à l’appel.” Lorsqu’ils se manifestent, les géants du CAC 40 font payer cher leur ralliement. Dans ses projets de décarbonation de production en France, pour lesquels il a annoncé 1,7 milliard d’euros d’investissement en début d’année, ArcelorMittal exige une prise en charge par France 2030 de la moitié de ses factures. Avec un argument doux aux oreilles des responsables politiques: l’aciériste a lancé la semaine dernière une vague d’embauches de 530 personnes sur ses sites nordiques.

Renaissance du textile

Dès lors, les initiatives venant de la base et des PME engagées dans le Made in France seront décisives pour retisser le tissu productif. Y compris dans des secteurs inattendus. “Ce qui se passe dans le textile est complètement dingue, pointe ainsi Guillaume Gibault, fondateur de Le slip français (LSF) et pionnier dans la relance du secteur. Il y a dix ans, personne n’aurait parié sur un tel développement.” Avec le roannais Henitex, LSF a engagé 1,2 million d’euros, avec 250.000 euros d’aides publiques, pour la fabrication ultra-automatisée de vêtements sans coutures.

De Petit Bateau à Saint James, plus de 780 projets ont ainsi obtenu dans le textile le soutien du plan de Relance pour robotiser, étendre les lignes et ouvrir de nouveaux sites. “Ce dynamisme étonnant repose sur une forme de fierté des entrepreneurs à relancer le Fabriqué en France et sur la mobilisation de “consommacteurs” soutenant la démarche”, analyse Olivier Lluansi. Une dynamique sur laquelle compte surfer le groupe Atlantic “De nombreux clients montrent un intérêt croissant pour cet aspect made in France de notre production”, assure Franck Burdloff, qui dirige plusieurs usines du groupe vendéen. Ce moteur de la consommation intérieure sera indispensable pour gravir le chemin semé d’embûches de la réindustrialisation.

Un remède contre le déficit commercial

Rude entaille dans le bilan du premier quinquennat Macron: selon les chiffres collectés en mars par les Douanes, la France a cumulé 100 milliards d’euros de déficit commercial des biens au cours des douze derniers mois. Un record. Cette descente aux enfers n’est pourtant pas une fatalité. PwC démontre que les plans engagés par le gouvernement pourraient permettre de produire en France l’équivalent de 27 milliards d’euros de biens aujourd’hui importés, d’ici à la fin de la décennie. Pour l’ensemble de l’industrie manufacturière, le déficit passerait de 52 milliards d’euros à 12 milliards d’euros en dix ans. Un scénario "offensif", où les groupes mobiliseraient en investissement quatre euros pour chaque euro public perçu, permettrait même d’afficher un excédent de 29 milliards d’euros en 2030...

 

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