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Décryptage

L'envol contrarié de la voiture électrique

Les problèmes de production limitent la progression des ventes et sapent l'enthousiasme des clients avec des livraisons souvent renvoyées à 2023. De surcroît, les problèmes d'approvisionnement font grimper les prix et poussent certains dirigeants à pronostiquer une pénurie de batteries à partir de 2025.

Le PDG de Volkswagen, Herbert Diess, a été contraint d'annoncer début mai que les commandes de voitures électriques reçues désormais par le groupe allemand ne seraient pas livrées avant 2023.
Le PDG de Volkswagen, Herbert Diess, a été contraint d'annoncer début mai que les commandes de voitures électriques reçues désormais par le groupe allemand ne seraient pas livrées avant 2023. (Hendrik Schmidt/AP/SIPA)

Par Lionel Steinmann

Publié le 2 juin 2022 à 07:15Mis à jour le 2 juin 2022 à 08:28

Les voitures électriques sont vouées à dominer le marché automobile européen d'ici à la prochaine décennie, mais le chemin pour y parvenir s'annonce plus tortueux que prévu. Sans même parler de l'insuffisance du réseau de recharge , les velléités des clients sont mises à rude épreuve depuis plusieurs mois par des délais de livraisons qui explosent et des prix qui s'envolent. Et pour les années à venir, le risque de pénuries de matières premières pour fabriquer suffisamment de batteries commence à agiter sérieusement le secteur.

Longtemps embryonnaire, le marché a pourtant décollé ces dernières années. Selon l'analyste allemand Matthias Schmidt, 1,2 million de véhicules 100 % électrique ont été écoulés en Europe de l'Ouest en 2021. La France suit le mouvement : les voitures fonctionnant uniquement à batterie représentent 12 % des 600.000 immatriculations enregistrées de janvier à mai 2022, soit une hausse de 38 % pour un an.

Des délais de livraison qui enflent

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La progression des ventes est toutefois entravée par la crise de production inédite qui mine l'industrie automobile depuis un an et demi. La pénurie persistante de semi-conducteurs et, plus récemment, les conséquences sur certains équipementiers de la guerre en Ukraine contraignent de nombreuses usines à faire tourner leurs chaînes de montage au ralenti.

Conséquence, les délais entre la commande et la livraison n'ont cessé d'enfler. Dans ce contexte chahuté, les constructeurs essaient tant bien que mal de prioriser la production de véhicules électriques : ils génèrent souvent plus de marges et sont surtout indispensables pour atteindre les objectifs de baisse des émissions de CO2 imposées par Bruxelles, sous peine de lourdes amendes.

Malgré cela, le PDG de Volkswagen, Herbert Diess, a été contraint d'annoncer début mai que les commandes de voitures électriques reçues désormais ne seraient pas livrées avant 2023, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. « C'est assez largement vrai pour nous aussi », confessa, quelques jours plus tard, son homologue de Mercedes, Ola Kaellenius. D'autres marques se sont gardées de le faire savoir publiquement, mais sont dans la même situation. Des délais qui peuvent se révéler dissuasifs pour la plupart des clients.

Autre sujet potentiellement bloquant pour ces derniers : les prix ne cessent de grimper, que ce soit pour les modèles premium ou ceux d'entrée de gamme. Celui de la Model 3 de Tesla , voiture électrique la plus vendue en Europe l'an dernier, est passé dans sa version de base de 43.800 à 50.990 euros sur les six derniers mois ! Quant à la Dacia Spring, qui revendique le titre de voiture à batterie la moins chère du marché, il faut désormais débourser 19.290 euros (avant bonus écologique) pour se l'offrir, contre 16.990 euros lors de son lancement en mars 2021.

Les matières premières électrisent les prix

Cette valse des étiquettes est une conséquence du déséquilibre entre offre et demande, qui a amené les constructeurs à réviser à la hausse quasiment chaque trimestre les prix de l'ensemble de leur catalogue. Mais elle résulte également de la flambée des coûts des matières premières qui interviennent dans la fabrication des voitures en général, et des batteries en particulier.

D'après le rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le cours du lithium était le mois dernier sept fois plus élevé qu'en janvier 2021. Les prix du cobalt et du nickel ont eux doublé. Si ces niveaux se maintiennent, ils se traduiraient par une hausse de 15 % du coût moyen de fabrication des batteries cette année, après des années de baisse.

De quoi retarder sensiblement le moment où le coût d'une voiture électrique baissera au niveau de celui d'une voiture thermique. Un point de bascule crucial pour la généralisation des véhicules électriques, qu'une étude de BloombergNEF publiée l'an dernier situait entre 2025 et 2027. L'écart de prix moyen était encore de 45 % en Europe l'an dernier, selon l'AIE.

Pénuries durables

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Pour juguler ces problèmes d'approvisionnement (attisés par la guerre en Ukraine) et répondre à une demande qui s'annonce exponentielle, il est urgent d'investir dès maintenant dans l'exploitation de nouvelles mines de nickel, de cobalt et de lithium, alerte l'agence, en prévenant qu'« il faut de quatre à plus de vingt ans pour qu'une mine puisse commencer sa production commerciale ».

Le risque est que la production de matières premières ne puisse pas suivre à partir de 2025, lorsque les constructeurs donneront un nouveau coup d'accélérateur à leurs ventes de véhicules à batterie pour répondre au durcissement annoncé de leurs obligations en matière de CO2.

Le mois dernier, le patron de Stellantis, Carlos Tavares, a mis en garde contre une possible pénurie de batteries à partir de 2025 ou 2026. Il y a quelques jours, Herbert Diess a estimé lui aussi qu'il n'y aurait « probablement pas » assez de batteries dans le secteur à cette échéance, tout en se disant certain que ses usines seraient approvisionnées. Ce qui représenterait un contretemps majeur pour la généralisation de la voiture électrique.

VIDEO. Voitures électriques : de 1817 à nos jours, comment le Lithium est devenu indispensable

Lionel Steinmann

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